Mardi, la police a diffusé un communiqué annonçant l'entrée en vigueur du couvre feu samedi matin à 8h, jusqu'à 17h. Une mesure habituelle au Nigeria au moment des élections. Ce qui l'est un peu moins, c'est la fermeture des frontières terrestres et maritimes dès ce mercredi soir minuit jusqu'à samedi à la même heure. Les voitures sont également interdites de circulation samedi toute la journée.
La présence de soldats dans les rues et autour des bureaux de vote est vivement discutée. Plusieurs juges fédéraux l'ont interdite, comme à Lagos, mais certaines sources sécuritaires assurent que c'est bien l'armée qui sera chargée de mettre en œuvre ce couvre feu. L'ancien président Olusegun Obasanjo est allé jusqu'à mettre en garde contre toute intervention militaire dans les affaires du pays, réagissant aux rumeurs sur un possible coup d'état en cas de contestation du verdict des urnes.
La police encourage les électeurs à quitter les bureaux de vote juste après avoir mis leur bulletin dans l'urne par crainte de débordements, alors que les partis politiques veulent qu'ils restent jusqu'au dépouillement par souci de transparence.
Les radios relaient sans cesse des messages appelant à la paix, à la non-violence et au respect du processus électoral. Ces précautions ne sont pas faites pour rassurer les Nigérians. Quand on leur pose la question, ils assurent que tout se passera bien, ce qui ne les empêche pas de faire des provisions de nourriture mais aussi de fuel pour les générateurs. Tout cela, au moins pour tenir si le couvre-feu se prolonge, notamment en cas de violences. Les plus aisés ont prévu de quitter le pays. Certains sont partis dans la sous région dès ce soir ; d'autres attendront d'avoir voté. Plusieurs vols internationaux sont pleins le samedi soir.
Atmosphère peu rassurante
L'ambiance est à l'inquiétude car jamais une élection présidentielle n'a été aussi serrée depuis le retour du pouvoir aux civils en 1999.
Ils sont quatorze candidats dont une femme à vouloir remporter le scrutin. Deux hommes sortent du lot. Goodluck Jonathan, président sortant, avec son parti le PDP qui, pour la première fois, affronte une opposition soudée, l'APC et son candidat, Muhammad Buhari. Ils s'affrontent par communiqués interposés en Unes des journaux, lançant des rumeurs sur tous les malheurs qui arriveraient au pays si l'adversaire était élu, mais aussi en mettant en cause l'impartialité de la commission électorale indépendante.
Dans cette atmosphère de suspicion, certains observateurs s'inquiètent de la capacité du perdant à accepter la proclamation des résultats. De nombreux Nigérians, en tout cas, sont persuadés que les votes seront manipulés et sont de plus en plus nombreux à parler de jeunes hommes armés de machettes ou de couteaux autour des manifestations politiques. Ils craignent ainsi une flambée de violences. En début d’année, une soixantaine de personnes sont mortes pendant la campagne, avant que l'élection ne soit repoussée. Après l’élection présidentielle de 2011, plus de 800 avaient perdu la vie.