Prises d'otages et tractations en Libye, entre jihadisme et banditisme

Le soulagement domine au Royaume-Uni après la libération du ressortissant britannique David Bolam, samedi 4 octobre, en Libye. Dans ce pays livré au chaos, les enlèvements, pour quelques heures ou plusieurs mois, sont devenus monnaie courante, au sens propre.

« David Bolam est en sécurité, en bonne santé et avec sa famille », a déclaré samedi soir, la diplomatie britannique. Cet homme de 53 ans a été libéré après plusieurs mois de captivité en Libye. Le Britannique avait été enlevé, le 19 mai dernier, à Benghazi, la grande ville de l'est du pays où il enseignait à l'Ecole européenne.

Peu de détails ont filtré sur cette affaire. Londres et ses proches avaient décidé de ne pas communiquer pour ne pas mettre en danger sa sécurité. Le mois dernier, une vidéo avait néanmoins été découverte sur internet dans laquelle il évoquait un échange de prisonniers. Une séquence publiée par un groupe appelé l'Armée de l'islam.

Chacun est un otage potentiel, jusqu'au Premier ministre

En Libye, les enlèvements sont aujourd'hui pléthoriques. Le pays ne compte plus le nombre de rapts de civils ou diplomates étrangers, et même d'hommes politiques libyens. Il y a encore quelques jours, un couple ukrainien a été pris à Benghazi. Au printemps, l'ambassadeur de Jordanie à Tripoli a été retenu un mois. Des employés des ambassades américaine et tunisienne, ou encore un représentant sud-coréen ont subi le même sort. Il y a un an, le 10 octobre 2013, des ravisseurs étaient allés jusqu'à enlever le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, pendant quelques heures. Le mois suivant, le numéro 2 des services de renseignements, Moustafa Nouh, avait subi le même sort, en novembre

Le pays compte désormais une myriade de groupes armés aux motivations diverses. Les rapts peuvent servir à exercer une pression politique, comme avec le chef du gouvernement. Des mouvements s'adonnent aussi au banditisme et sont surtout intéressés par des rançons. D'autres par ailleurs, principalement jihadistes, réclament un échange avec des prisonniers. L'ambassadeur de Jordanie avait été échangé avec le Libyen Mohamed Dersi. Emprisonné à Amman, il avait été condamné à perpétuité pour un projet d'attentat contre l'aéroport de la capitale jordanienne.

L'absence d'Etat

Dans le cas du Britannique David Bolam, le chercheur Olivier Guitta soupçonne, là aussi, un marché, comprenant la libération de Moazzam Begg :

« Moazzam avait été arrêté par les Américains en Afghanistan, et détenu à Guantanamo. Quand il a été libéré, il est revenu en Angelterre, puis a été arrêté de nouveau il y a quelques mois parce qu'il y avait des preuves de son implications en Syrie pour le recrutement de jihadistes pour le Front al-Nosra. Au milieu du procès, les services secrets britanniques, le MI5, ont soudainement déclaré qu'ils ne disposaient pas des preuves suffisantes pour étayer ce dossier. Donc Begg a été libéré jeudi de manière très, très rapide... On a appris que l'otage David Bolam a été libéré ce jour-là. Et c'est vrai qu'il y avait eu des demandes de libérations de jihadistes. »

Dans tous les cas, Saïd Haddad, spécialiste de la Libye, voit un point commun à tous ces enlèvements : « la faiblesse et la déliquescence de l'état libyen ».

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