Avec nos envoyés spéciaux à Malabo et notre correspondant au Caire
Depuis quinze ans, l’Union africaine observe une règle stricte : à chaque fois qu’un pays est frappé par un coup d’Etat ou un changement de gouvernement anticonstitutionnel, ledit pays est suspendu, il ne peut plus siéger à l’UA. Or, en juillet 2013, chacun sait qu’en Egypte, ce n’est pas seulement la rue qui a renversé le président élu Mohamed Morsi ; l’armée a joué un rôle décisif. Et pourtant, onze mois plus tard, ce pays revient à l’Union africaine par la grande porte, avec en tête l'ancien chef d'état-major de l'armée Abdel Fattah al-Sissi, fraîchement élu président.
Pour justifier l’acceptation de ce retour express, les délégations africaines avancent deux raisons. Un : depuis les printemps arabes de 2011, il est des changements anticonstitutionnels qui rejoignent la volonté populaire, et qu’il est donc difficile de condamner. C’est notamment la thèse du ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui n’hésite pas à dire que la doctrine de l’UA doit être affinée. Deux, et cela en découle : Abdel Fattah al-Sissi vient d’être élu à une écrasante majorité. En somme, le peuple égyptien a choisi.
Bien sûr, ces deux arguments ne convainquent pas tous les délégués présents à Malabo pour le sommet de l’UA. Un délégué de Malabo s'interroge : un petit pays africain aurait-il bénéficié de la même indulgence ? La réponse est sans doute dans la question, car l'Eypte est un point lourd du continent, un pays dont l’aide financière et militaire et convoitée.
Au Mali, l'Egypte participera à la Minusma
Derrière ce soutien spectaculaire de beaucoup de pays africains au nouveau régime égyptien, il y a aussi un message : non à l’extrémisme religieux. La Libye, la Tunisie, l’Algérie et tous les pays sahéliens sont confrontés au risque jihadiste, sans même parler du Nigeria, avec Boko Haram, et du Kenya, avec les shebabs. Dès mercredi, lors d’une réunion à Malabo, célébrant le dixième anniversaire du Conseil de paix et de sécurité, la présidente de la Commission de l’UA, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, a énuméré tous les pays confrontés à ce fléau sur le continent.
Au cours de cette réunion, le président tchadien Idriss Déby a aussi eu cette formule : « Le Conseil de paix et de sécurité est l’une des plus belles initiatives de l’UA, il a contribué à atténuer l’ampleur des conflits, mais faute de moyens, il n’a pas réussi à les éradiquer. » Egalement présent, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a renchéri : « Pour nous, les Africains, il est temps de prendre en main notre sécurité. »
Or, sur ce plan, l’Egypte débarrassée des Frères musulmans semble à nouveau prête à tenir son rang dans la lutte. Dix jours à peine après la prestation de serment de l’ex-maréchal au Caire, un contingent de la police militaire égyptienne se préparait déjà à quitter le pays pour rejoindre la mission internationale de soutien au Mali, la Minusma. L’ex-président Mohamed Morsi avait été le seul chef d’Etat africain à avoir condamné l’intervention française au Mali.