La Tunisie va renforcer le contrôle des personnes portant le niqab

Les autorités tunisiennes ont annoncé le 16 février le renforcement des contrôles de police sur les femmes portant le niqab (voile intégral). Mesure prise dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, alors que les affrontements avec des groupes armés islamistes se sont multipliés depuis la révolution de 2011.

Avec notre correspondante à Tunis, Camille Lafrance

Le ministère de l'Intérieur évoque les menaces terroristes, et le recours de suspects au niqab, « pour se déguiser et fuir la justice ». Il y a une semaine, plusieurs médias tunisiens assuraient en effet qu'un homme recherché pour des violences avait été arrêté vêtu d'un voile intégral en banlieue de la capitale. L'information a été relayée sur la page Facebook du ministère.

Face à ce renforcement des contrôles, des femmes en niqab se plaignent d'être stigmatisées, et craignent à terme une interdiction du voile intégral. Mais à la mosquée Zitouna, l'une des plus prestigieuses du pays, le controversé imam Houcine Laabidi a troqué son habituel courroux contre un ton rassurant.

En réaction à cette mesure, il affirme que l'islam n'impose pas le port du niqab, (propos rapportés par l'agence officielle Tap). Désintérêt ou opportunisme ? Les politiques restent, eux, à distance du débat.

Réactions des principales intéressées

Certaines rencontrées dans les environs de Tunis ne sont pas d'accord. C'est le cas de Wafa, 30 ans, femme au foyer qui rejoint sa maison et ses deux enfants en niqab. Elle le portait déjà il y a 8 ans sous Ben Ali en pleine répression contre les islamistes. Aujourd'hui, le renforcement des contrôles lui fait craindre un retour en arrière :

«Avec cette décision, dit-elle, le ministère compte en fait interdire complètement le niqab pour d'autres raisons que la sécurité. Ils veulent créer des problèmes, provoquer les femmes portant le niqab et leurs maris. Le risque c'est que les gens dans la rue me regardent comme une terroriste ».

«Terroristes»

Wafa assure qu'elle n'acceptera de dévoiler son visage qu'à condition qu'une policière se charge du contrôle. Pas question non plus pour cette autre Tunisienne de 50 ans, intégralement voilée depuis 15 ans, de montrer son visage à un homme :

« Depuis l’été, on m’a arrêtée plus souvent que sous le régime de Ben Ali. On rencontre beaucoup de difficultés par rapport aux gens. Ils nous traitent de terroristes. Cela me fait mal parce que je crois que le ministère de l’Intérieur fait peur au peuple tunisien et veut faire passer les salafistes pour des terroristes ».

Les deux femmes disent comprendre les tensions sécuritaires, mais elles ne comptent pas pour autant changer leurs habitudes de vie.

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