Tunisie: reprise du procès du doyen Kazdaghli, symbole du débat sur le niqab

Ce jeudi 3 janvier, le doyen de l'université de Manouba, Habib Kazdaghli, comparaissait devant la justice, accusé par une étudiante portant le niqab de l'avoir giflée en mars dernier. Ce procès est le reflet d'un bras de fer qui a opposé durant plusieurs mois, l'an dernier, l’administration à des groupes salafistes. Ils réclamaient l’autorisation du port du niqab, le foulard islamique, durant les cours. Le doyen nie les faits et accuse l’étudiante d’avoir attaqué son bureau avec une camarade.

Il y avait du monde pour assister à ce procès emblématique, à bien des égards, de la société tunisienne dont le verdict sera rendu le 17 janvier 2013. Le caractère politique du procès a entraîné une forte mobilisation de soutien dans les deux camps.

A l'intérieur, l'audience s'est transformée en débat d'idée. Pourtant le débat sur le voile intégral est censé être tranché. Le tribunal administratif avait rendu son avis en février dernier assurant que son port dépend des règlements intérieurs de chaque établissement. A l'université de la Manouba, il est interdit en classe. Habib Kazdaghli affirme défendre ce principe :« A travers moi, il y a une tentative d'instrumentalisation de la justice pour pénaliser ceux qui défendent l'Etat de droit. La politique a ses partis. La religion a ses mosquées. Mais nous, à l'université, nous défendons des règles académiques. Mes collègues et moi, nous avons agi au nom de l'autonomie des sphères. »

Le doyen se dit confiant. Il espère être acquitté. Sa défense a largement mis en doute la crédibilité du certificat médical censé attester que l'étudiante a été giflée. Il représente la seule preuve avancée dans le dossier. Pour les avocats de Habib Kazdaghli, il est « difficile d’imaginer des marques sur le visage de la jeune femme une heure après les faits, et alors qu’un voile la recouvrait. »

Toutefois, les avocats des deux parties s'accordent sur l'aspect politique de ce procès. Ainsi, la défense des étudiantes accusait le doyen de réprimer les élèves « niqabées » pour leur conviction religieuse. Me Awled Ali, avocat des étudiantes, l'affirme : « Ce qui se passe ici est politique. Le motif du crime était de ne pas laisser ces étudiantes suivre leurs études. C'est une discrimination contre ces gens qui portent le niqab. » La défense du doyen, quant à elle, dément et tente de recentrer le débat sur les faits.

Devant le tribunal, le débat est aussi très agité. D’un côté, les soutiens du doyen, associations, enseignants, avocats, Tunisiens, Belges ou Français, et même certains membres de l’opposition tunisienne. Face à eux, des femmes en voile intégral pour la plupart, et des hommes venus défendre les étudiantes. Quelques échanges vifs ont eu lieu notamment entre un défenseur du niqab et une femme venue soutenir le doyen qu'il soupçonnait de ne pas être musulmane.

Mais dans l'ensemble, les échanges entre les deux camps ont été rares. Le ton est monté rapidement, car ici on ne discutait plus de cette histoire de gifle ou de bureau saccagé, mais de vision de la société tunisienne, « pour ou contre le niqab en cours ».

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