Tunisie: l’Etat dénonce les violences des «extrémistes» et les «provocations» des artistes

Plusieurs artistes se sont rassemblés, ce mercredi 13 juin, devant le ministère tunisien de la Culture pour protester contre les violences et la destruction d’œuvres d’art de l’exposition du « Printemps des Arts » à Tunis. Cette vague de violences de lundi et mardi, impliquant des groupes de salafistes et des casseurs, a secoué toute la Tunisie. Le pouvoir semble toujours avoir du mal à se positionner sur les agissements de ces groupes.

Dans un communiqué, publié ce mercredi 13 juin, au nom des « trois présidences », à savoir le chef de l’Etat Moncef Marzouki, le président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaafar et le chef du gouvernement Hamadi Jebali, l’Etat tunisien a condamné les agissements « des groupes extrémistes qui menacent les libertés » - une allusion implicite aux salafistes impliqués dans les violences.

Mais en même temps, les mêmes présidences ont aussi condamné les « provocations » des artistes, accusés d’avoir enflammé le pays, en présentant des œuvres d’art jugées blasphématoires.

A Tunis, les artistes rejettent ces propos et dénoncent « un positionnement de façade » qui, dans le fond et dans les actes, profite plus aux salafistes qu’à ceux qui se revendiquent d’une mouvance laïque et qui plaident pour la liberté d’opinion.

Mais pour Nadia Chaabane, députée du pôle démocratique moderniste à l'Assemblée constituante, les autorités ne peuvent rester sans réagir face à la montée de la violence, sous peine de perdre le contrôle de la situation.

 Les artistes tunisiens menacés

Le pouvoir donne l’impression, aujourd’hui, « de ne pas vouloir trancher », dit-on à Tunis, comme s’il préférait renvoyer dos à dos les extrémistes et ceux qui sont vus comme des « provocateurs », à savoir les artistes.

Les violences de ces derniers jours ont été, en partie, liées à l’exposition « Printemps des Arts », à La Marsa, dans la banlieue nord de Tunis. Certaines œuvres, jugées offensantes pour l’islam, ont été mises en cause comme par exemple un tableau de l’artiste Mohamed Ben Slama représentant une femme quasi nue avec, en arrière plan, des hommes barbus et une toile, façon bande dessinée représentant un salafiste furieux.

Dès mardi 12 juin, le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, avait annoncé qu’il allait déposer plainte contre les organisateurs de l’exposition et fermer le palais où les œuvres étaient exposées. Et de son côté, le mouvement Ennahda qui avait également dénoncé l’atteinte au sacré, avait appelé à manifester vendredi prochain, après la prière, se joignant ainsi aux groupes salafistes qui avaient, eux aussi, lancé cet appel dès mardi.

Les artistes tunisiens se sentent consternés par ces prises de position.
Interrogée par RFI, la comédienne tunisienne Amira dénonce l’ambiguïté du pouvoir et s’inquiète pour la liberté de création et d’expression. 

 
Selon un bilan encore provisoire, les violences de lundi et mardi ont provoqué la mort d’un jeune, décédé après avoir reçu une balle dans la tête à Sousse, dans l’est du pays, plus d’une centaine de blessés dont 65 policiers et plus de 160 arrestations.  

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