Jean Omer Beriziky, Premier ministre malgache, s'explique sur le retour avorté de Ravalomanana

Ce 21 janvier 2012, l'avion de Marc Ravalomanana, ancien président malgache a été contraint de retourner à Johannesburg, en Afrique du Sud, faute d'obtenir une autorisation d'atterrir à Madagascar. Dans ce refus, Marc Ravalomanana a vu une « preuve que le gouvernement ne respectait pas la feuille de route » et qu'il devrait pouvoir rentrer dans son pays « sans conditions ».  Jean Omer Beriziky, Premier ministre du gouvernement de transition de Madagascar, ancien ambassadeur auprès de l'Union européenne, revient sur les circonstances de ce retour avorté, au micro de RFI.

RFI : Jean Omer Beriziky, bonjour. Votre gouvernement a-t-il donné l’ordre de fermer les aéroports de Madagascar ?

Jean Omer Beriziky : Non, pas le gouvernement en tout cas. Je peux vous assurer que le gouvernement, à aucun moment, n’avait donné l’ordre de fermer les aéroports à Madagascar. Le retour de l’ex-président était possible. Cependant, j’aurais souhaité que le retour de Marc Ravalomanana se fasse dans d’autres conditions. Je pensais qu’il était possible d’arriver à une solution consensuelle, c’est-à-dire que toutes les parties prenantes de la feuille de route puissent trouver ensemble une manière consensuelle de faire revenir le président dans sa patrie.

RFI : Si ce n’est pas le gouvernement qui a donné l’ordre de fermer les aéroports, qui a pu donner cet ordre ?

J. O. B. : Je ne sais pas exactement d’où venait l’ordre de fermer les aéroports. Je n’ai pas été informé en tout cas de ces fermetures d’aéroports. Il se pourrait qu’il y ait des gens qui ont vu le papier interdisant l’atterrissage dans ces aéroports. Mais moi, personnellement, je n’ai pas encore vu ce papier. Je ne sais pas au juste ce qui a été décidé au niveau de la présidence. Ce que je peux vous dire, le président -pour des raisons qui lui appartiennent essentiellement, peut-être pour des raisons de sécurité- peut prendre des décisions. Dans tous les cas donc, ce n’est pas le gouvernement qui a donné l’ordre de fermer ces aéroports.

RFI : Quelles étaient les consignes au niveau du gouvernement ?

J. O. B. : Assurer la sécurité et la paix sociale, protéger les biens et les personnes. Ce qui a été respecté par la force de l’ordre. J’ai demandé à ce que l’on ne provoque pas la foule, qu’on ne lance pas des bombes lacrymogènes, sauf si vraiment cela s’avérait nécessaire.

RFI : Est-ce qu’un retour de Marc Ravalomanana est un passage obligé pour aller vers une résolution de la crise politique ?

J. O. B. : Ce retour est inscrit dans la feuille de route, dans l’article 20, et je pense que les gens qui ont signé cette feuille de route devraient accepter son retour. Ils ont eu conscience de cette obligation. À mon avis, Marc Ravalomanana doit revenir dans son pays. Mais il faut que toutes les conditions pour son retour soient remplies : l’assurance de sa sécurité et de la sécurité de sa famille ; ensuite l’assurance d’une paix sociale retrouvée. Toute cela ne peut se faire que par une solution négociée, consensuelle, pour que son retour se fasse dans les conditions optimales de sécurité.

RFI : Les proches de Marc Ravalomanana ont annoncé qu’ils suspendaient leur participation au sein des institutions de la transition. La décision va accentuer un peu plus la crise politique ?

J. O. B. : C'est évidemment malheureux. Je pense qu’on était déjà sur une bonne voie. Je tenterai encore les jours prochains de ramener ceux de la mouvance Ravalomanana afin que nous puissions travailler ensemble parce que, autrement, la feuille de route ne peut pas être appliquée sans leur présence.

RFI : Monsieur le Premier ministre, vous restez néanmoins optimiste quant à l’avenir de Madagascar ?

J. O. B. : Il faut admettre aujourd’hui que nous avons perdu quelque chose. Il va falloir de nouveau maintenant raccommoder les déchirures, pouvoir nous retrouver de nouveau, pourquoi pas, autour d’une table, et pour essayer ensemble d’aller de l’avant. Peut-être avons-nous encore plus besoin aujourd’hui de nos sages, des quatre chefs d’Église, qui ont joué beaucoup de bons rôles. Il est temps peut-être qu’on se tourne aussi vers eux pour justement demander leur concours pour la résolution de cette crise. Madagascar doit sortir de cette crise qui n’a que trop duré et qui entraîne le pays dans un marasme terrible aussi bien économique, que social.

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NDLR : le porte-parole de la présidence a affirmé que l’objectif des autorités était de faire atterrir l’avion à Morondava, dans l’ouest du pays, et d’y arrêter Marc Ravalomanana, condamné par contumace aux travaux forcés en août 2010 pour la mort de 36 manifestants, en février 2009.

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