Fort de 89 sièges sur un total de 217 à l’Assemblée constituante, le parti islamiste Ennahda remporte les principaux postes ministériels dans ce nouveau gouvernement issu des premières élections libres du 23 octobre 2011 en Tunisie.
Ennahda détiendra le ministère de l’Intérieur avec, à sa tête, une figure de poids du parti, Ali Larayedh. Condamné à mort en 1987, gracié et puis de nouveau arrêté en 1990 et emprisonné pendant quatorze ans, Ali Larayedh a récemment témoigné et raconté avoir frôlé la mort à plusieurs reprises dans les geôles du ministère qu’il va diriger – un ministère qui au temps de l’ancien régime policier de Ben Ali était qualifié de ministère de la terreur. Ali Larayedh se défend cependant de tout esprit de revanche. « Nous voulons d’abord réhabiliter les victimes (de l’ancien régime) mais nous cherchons aussi le sens du pardon », affirmait-il pendant la campagne électorale.
Le ministère de la Justice revient à un avocat : Noureddine Bhiri, actuellement porte-parole d’Ennahda. Il était connu sous l’ancien régime pour avoir défendu les prisonniers politiques à l’époque où le parti était interdit.
Les Affaires étrangères reviennent à Rafik Ben Abdessalem, le gendre du chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi.
Comme prévu, ce sont des fidèles du parti islamiste qui sont en première ligne. Ennahada obtient également le portefeuille de l’Enseignement supérieur ainsi que le tout nouveau ministère des Droits de l’homme avec, à sa tête, une des personnalités montantes : Samir Dilou qui devient aussi porte-parole du gouvernement.
Ennahda s’est également attribué les ministères de la Santé, du Transport, de l’Environnement, de l’Agriculture, de l'Industrie, du Développement régional, des Dossiers économiques et celui de l’Investissement et de la coopération internationale.
Le seul ministère à ne pas changer de main est celui de la Défense où l’indépendant Abdelkarim Zbidi est reconduit.
Le CPR et Ettakatol également récompensés
Le Congrès pour la République (CPR, nationaliste de gauche) du chef de l’Etat Moncef Marzouki, obtient notamment le ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle, celui de la Réforme administrative ainsi que le ministère des Affaires de la Femme et de la famille.
Ettakatol, (social-démocrate) parti du président de l’Assemblée Mustapha Ben Jaafar, siègera aux Affaires sociales, aux Finances, au Tourisme, à l'Education, à la Bonne gouvernance et lutte contre la corruption et obtient un secrétariat d’Etat chargé de la réforme de la police… un dossier brûlant.
Contacté par RFI, le nouveau ministre des Finances, Houcine Dimassi, n'appartient pas à un parti mais a été proposé par Ettakatol. Il a accepté sa nomination « par devoir pour son pays » et considère que l'objectif du gouvernement doit être la paix sociale pour redresser le pays économiquement car « le secteur est en crise depuis le début du soulèvement populaire il y a un an », précise-t-il.
Et à côté des membres de ces deux partenaires de gauche d’Ennahda, siègeront également des indépendants comme l’ancien international Tarek Dhiab, ex-ballon d’or africain en 1977 qui entre au ministère de la Jeunesse et des sports. A noter également l’arrivée d'un sociologue : Mehdi Mabrouk qui obtient, quant à lui, le ministère de la Culture.
Le nouveau gouvernement est essentiellement composé d'une coalition de trois partis et de quelques indépendants. Plusieurs partis comme le Pôle démocratique moderniste (PDM) ou Ettajdid qui appartient à la coalition du Pôle démocratique moderniste sont entrés dans l'opposition.
Contacté par RFI, Jounaidi Abdeljaouad, porte-parole du PDM, n’est pas rassuré par le poids que s'est octroyé Ennahda dans le gouvernement et il explique pourquoi.