De notre correspondante à La Haye,
Les déclarations des nouvelles autorités libyennes suite à l’arrestation de Seïf al-Islam Kadhafi dans le sud de la Libye, le 19 novembre, ressemblait à un camouflet pour la Cour pénale internationale (CPI). Tripoli clamait haut et fort qu’elle jugerait sur ses terres le fils du Guide libyen. Mais si la Libye veut prouver sa crédibilité face à la communauté internationale en respectant ses obligations internationales, elle devra en passer par les juges de la Cour.
Pour Tripoli, la bataille judiciaire s’annonce serrée, même si les nouvelles autorités ont reçu le soutien du procureur de la Cour, qui effectuait sa première visite dans le pays, les 22 et 23 novembre. Luis Moreno Ocampo s’est rendu sur place pour trouver une solution négociée à l’affaire Seïf al-Islam. Il en revient avec un constat : « les autorités libyennes respectent la Cour et la résolution du Conseil de sécurité », a-t-il déclaré au cours d’un entretien téléphonique. Cette résolution, par laquelle le Conseil de sécurité avait saisi la CPI des crimes commis en Libye depuis le 15 février 2011, début de la révolte, oblige les autorités libyennes à coopérer. Elles auraient dû livrer Seïf al-Islam Kadhafi à la Cour, qui a délivré contre lui un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité en juin dernier, mais le fils du Guide libyen est toujours détenu à Zenten, au sud-ouest de Tripoli.
La Libye veut suspendre le mandat d’arrêt
Jeudi, le président du Conseil national de transition (CNT), Moustafa Abdeljalil, a adressé un courrier aux juges de la Cour dans lequel il leur propose de suspendre provisoirement le mandat d’arrêt, le temps de trouver une solution concertée. Le Statut de la Cour prévoit en effet une telle possibilité. Par la suite, les autorités libyennes pourraient demander aux juges de leur remettre le dossier. Pour cela, elles devront prouver qu’elles ont les moyens et la volonté de juger Seïf al-Islam Kadhafi. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme estiment cependant qu’un procès équitable n’est pas envisageable dans la Libye d’aujourd’hui. La peine de mort, prévue par le code pénal libyen, pourrait aussi rendre impossible tout renvoi de l’affaire à la Libye. Tripoli a cependant reçu le soutien du procureur.
Dans un document remis aux juges vendredi, Luis Moreno Ocampo rappelle que la Libye a « primauté », que la Cour intervient en dernier ressort, si un Etat ne peut ou ne veut engager de poursuites. Preuve de sa volonté, estime en substance le procureur, la Libye a déjà ouvert plusieurs enquêtes contre Seïf al-Islam pour détournement de fonds mais aussi pour la répression de la rébellion depuis février dernier.
La CPI pourrait siéger à Tripoli
Au-delà, le procureur tente surtout de convaincre les juges de ne pas fermer la porte aux discussions, et d’organiser une audience pour débattre des différentes options. La Libye a ainsi proposé au procureur de surveiller un éventuel procès à Tripoli, ce que les Britanniques avaient d’ailleurs suggéré. Luis Moreno Ocampo a refusé cette option, qui n’entre pas dans son mandat. Il a en revanche proposé que les juges de la CPI conduisent le procès en Libye, au lieu de La Haye. « Les autorités libyennes n’ont pas exclu cette possibilité », écrit-il dans sa requête aux juges. Elles ne l’ont, à ce jour, ni accepté, ni refusé. La balle est désormais entre les mains des juges de la Cour.