Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennahda et candidat au poste de Premier ministre a provoqué un tollé en parlant d’un renouveau de « califat » ou Etat islamique. Le document vidéo diffusé sur internet et les réseaux sociaux a rapidement réveillé les peurs de certains Tunisiens.
Sur ces images, le numéro deux d’Ennahda se félicite de sa victoire devant ses partisans réunis à Sousse, en province, dans des termes peu habituels : « Mes frères, vous vous trouvez à un moment historique » -explique-t-il– « si Dieu le veut, nous sommes dans le sixième califat ». « Califat », un régime théocratique que seuls les extrémistes salafistes du parti Tahrir osent habituellement revendiquer en public ; un système de gouvernement aboli au début du XXe siècle et fondé sur la stricte application de la charia.
Ettakatol suspend les discussions
Immédiatement, le parti Ennahda a tenu à minimiser les propos de son secrétaire général, candidat au poste de Premier ministre et très souvent présenté comme un modéré. Au siège d'Ennahda, on affirme qu'il s'agit d'un non sujet et que l'actualité est ailleurs. « Ne cherchez pas la petite bête », confiait, ce mercredi soir à RFI, un des membres politiques du bureau du parti.
Cependant, l'auteur de ces propos, Hamadi Jebali a jugé bon de diffuser un communiqué pour -dit-il - lever toute équivoque. Le numéro deux du parti parle d’une exploitation tendancieuse et d’un discours sorti de son contexte par ses adversaires. « L’allusion du califat visait simplement à s’inspirer de nos valeurs, de notre patrimoine politique et de l’héritage de la civilisation tunisienne », rétorque-t-il, en réaffirmant son attachement au système républicain et démocratique.
Mais le doute est là, aujourd'hui, et cette polémique complique un peu plus les négociations - déjà difficiles - d’Ennahda avec les deux partis de centre gauche : le Congrès pour la République (CPR), le parti arrivé deuxième aux élections, et Ettakatol pour former une coalition.
Suite à ces propos de Hamadi Jebali, Ettakatol, l’un des deux partis de gauche en négociations avec Ennahda, a «suspendu» sa participation aux discussions, en attendant d’avoir des clarifications. Le parti considère qu'il s'agit d'un dérapage et réclame des garanties. C’est ce qu’a déclaré sur RFI, Mohamed Bennour, porte-parole d’Ettakatol qui estime que « la Tunisie doit aller vers la modernité et le progrès » et que le califat n'a jamais été d'actualité.
« C'est le fond de la pensée de Hamadi Jebali qui émerge », a confié à RFI une autre personnalité politique qui voit là « une preuve du double discours du parti islamiste ». Toute la question est aujourd'hui de savoir si ces propos reflètent une position largement partagée au sein du parti et quel est finalement le vrai référentiel idéologique d'Ennahda.
Ennahda, le CPR et Ettakatol sont engagés depuis le scrutin du 23 octobre dans de laborieuses discussions politiques pour former un nouvel exécutif. Le poste de Premier ministre semble acquis à Ennahda mais en ce qui concerne la présidence, et selon la presse tunisienne, les discussions sont vives car le poste est revendiqué par les leaders respectifs d’Ettakatol et du CPR, Mustapha Ben Jaafar et Moncef Marzouki.