Robert Bourgi se présente volontiers comme le digne successeur de Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » historique des gaullistes. Et subitement, sans en avoir au préalable averti la justice, comme le souligne d'ailleurs le président du Sénat, Gérard Larcher, Robert Bourgi se rappelle avoir été un porteur de valises pour le compte de Jacques Chirac. « Je me souviens de la première remise de fonds en présence de Villepin », explique-t-il. « L'argent venait du maréchal Mobutu. C'était en 1995. Il m'avait confié dix millions de francs ».
Il s’agit, selon Robert Bourgi, de remises d'argent occulte fréquentes, « plusieurs dizaines de millions de francs par an. Davantage pendant les périodes électorales », précise-t-il.
Il raconte ainsi qu'à l'approche de la campagne présidentielle de 2002, par son intermédiaire et dans le bureau de Dominique de Villepin, cinq chefs d'Etat africains - Abdoulaye Wade, Blaise Compaoré, Laurent Gbagbo, Denis Sassou Nguesso et Omar Bongo- auraient versé chacun dix millions de dollars.
Dominique de Villepin qualifie ces accusations de « mensongères », et parle d'écran de fumée visant à occulter les procédures judiciaires engagées sur le financement de la campagne d'Edouard Balladur en 1995 et dans lesquelles le nom de Nicolas Sarkozy est cité.
A sept mois de l'élection présidentielle, la guerre fratricide à droite entre chiraquiens et sarkozystes fait rage. D’autant que François Hollande, candidat à la primaire socialiste, est lui aussi entré dans la polémique. Il demande l’ouverture d’une « procédure judiciaire » pour faire la lumière sur des agissements qui iraient à l’encontre, notamment, des lois sur le financement des campagnes électorales.
Démenti sénégalais
Sur le continent africain, des voix commencent à s'élever pour dénoncer les propos de l'avocat français. Pour les autorités sénégalaises, cette intervention n'est pas dénuée d'arrière-pensées.
Au-delà des accusations concrètes de Robert Bourgi, c'est un des aspects noirs de la Françafrique qui resurgit. Pour Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d'Etat à la Coopération - et dont la volonté de mettre fin à cette « relation spéciale » entre la France et ses ex-colonies lui avait vraissemblablement coûté son poste en 2008 - un tabou est tombé.