Le dossier libyen redonne du souffle à la diplomatie française

La diplomatie française se met à l'heure des révolutions arabes. Mercredi 31 août 2011, à Paris, avait lieu la conférence annuelle des ambassadeurs dont l'intitulé parle de lui même : « Dans un monde en mouvement, la France acteur du changement ». Et ce jeudi, s'ouvre à Paris, toujours à l'initiative de la France, la conférence internationale des « Amis de la Libye ». Objectif : aider le Conseil national de transition libyen (CNT), organe politique des rebelles, à mettre en place l'après-Kadhafi. Assiste-t-on au grand retour de la France sur la scène diplomatique ?

« Pendant des années, notre diplomatie, et j’en prends ma part, a été organisée autour du mot stabilité. Et autour de ce mot, la France a eu des rapports avec des régimes qui n’étaient pas des exemples de démocratie. Aujourd’hui, il y a une opportunité de faire concilier la réalité et les valeurs ». C’est ce que déclarait mercredi soir Nicolas Sarkozy devant les ambassadeurs à Paris.

Avant d'arriver à ce regain d’activité diplomatique, l’action de la France a été balbutiante à propos des soulèvements populaires dans le monde arabe. On lui a beaucoup reproché de ne pas avoir vu venir les premières manifestations du « printemps arabe », à savoir la colère des Tunisiens. Un « loupé » du au manque d’attention porté par le pouvoir exécutif aux informations et analyses des diplomates sur le terrain.

« Sur la Tunisie, des éléments analysés par les diplomates au quai d’Orsay n’ont pas été pris en compte par les responsables à Paris », explique Agnès Levallois, politologue spécialiste du monde arabe. Une ignorance des réalités du terrain qui avait nourri la polémique. Lors d’une séance de « Questions au gouvernement » à l’Assemblée nationale, Michel Alliot-Marie, alors ministre des Affaires étrangères, proposait à Ben Ali « le savoir-faire des forces de sécurité françaises » pour contrôler les manifestations. Un mois et demi plus tard, elle cédait sa place à Alain Juppé, ancien Premier ministre mais surtout ancien ministre des Affaires étrangères qui a géré la diplomatie française sur les pourparlers de paix d’Oslo entre Israéliens et Palestiniens en 1993, sur le Rwanda en 1994 ou encore le conflit en Bosnie de 1995. Dès son arrivée au Quai, début mars, il a célébré les révoltes arabes et promis que la France se tiendrait aux côtés des peuples aspirant à la démocratie. Son premier déplacement l'a d'ailleurs mené au Caire.

Changement de ton à Paris

Conscient de marcher sur des œufs, Alain Juppé multiplie les contacts, discute et consulte toutes les parties. Le 16 avril, il passe ainsi toute la journée à l’Institut du monde arabe pour un colloque consacré aux révolutions en cours dans la région. Depuis son arrivée au quai d’Orsay, les diplomates aussi se sentent plus écoutés. Ce changement de ton de l’exécutif vis-à-vis des ambassadeurs est de nature à remobiliser les troupes. Pour l’Elysée comme pour le quai d’Orsay, désormais, le mot d’ordre est l'action.

Après la phase militaire, dont la France est à l'initiative avec la résolution 1973 de l'ONU, l'action continue en Libye au niveau politique. La France a été le premier pays à reconnaître la légitimité du CNT ainsi que le premier pays occidental à avoir rouvert son ambassade à Tripoli, le lundi 28 août. Ce jeudi, Paris aide donc à préparer le terrain pour l’instauration d’une Libye démocratique. La France dit vouloir éviter l'erreur américaine en Irak qui a dicté le processus politique post-conflit au lieu de l'accompagner. Elle veut le faire avec le plus de partenaires possibles y compris ceux qui se sont montrés réticents à l'intervention comme la Russie, la Chine ou l'Allemagne.

Reprendre pied dans le sud de la Méditerranée

Mais la France entend bien récolter les fruits de son engagement en particulier. Le CNT libyen a promis que les pays qui l'ont soutenu seront récompensés. Face aux concurrents américain et chinois les enjeux sont très importants dans la région ; pour le pétrole et la reconstruction du pays bien-sûr, mais pas seulement. C'est toute la présence européenne au niveau politique et diplomatique qui est à réinventer au sud de la Méditerranée. Dans le dossier syrien, la France a très tôt fait entendre sa voix pour réclamer le départ de Bachar el-Assad et plus de sanctions.

Mais il n'y a pas que le dossier syrien. Ce jeudi, à Paris, les délégations vont aussi discuter de l'initiative palestinienne pour la reconnaissance de leur Etat à l'ONU, prévue le 20 septembre. La France prendra « ses responsabilités » face aux Palestiniens, a annoncé sans plus de détails la présidence. Mais quelle que soit la réponse française, elle sera prise à l'unisson avec ses partenaires européens. Dans cette perspective, la France, forte de sa nouvelle aura, veut redevenir un des moteurs d'une diplomatie européenne particulièrement aphone quoique non coupable d'immobilisme.

Enfin, la France espère relancer son projet d'Union pour la méditerranée, considérée par beaucoup comme une coquille vide. Mais qui pourrait désormais prendre son envol en se reposant non plus sur des dirigeants en fin de règne mais sur les nouveaux acteurs politiques et la société civile issus du printemps arabe.

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