Affaire Lubanga : les juges entament leur délibéré

Le procès de Thomas Lubanga a pris fin, vendredi 25 août 2011, après l’audition des conclusions finales du procureur, des parties civiles et de la défense. L’ancien chef de milice congolaise est accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes au début des années 2000.

Avec notre correspondante à La Haye

Selon l’accusation, Thomas Lubanga aurait planifié l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans la branche armée de sa milice, les Forces patriotiques de libération du Congo (FPLC), en 2002 et 2003. L’Ituri était en proie à une guerre fratricide, opposant des milices soutenues par le Rwanda, l’Ouganda, et le pouvoir de Kinshasa. Accusé de crimes de guerre, Thomas Lubanga avait été transféré à la prison de la Cour pénale internationale (CPI) en mars 2006.

Evoquant les enfants soldats, la procureure adjointe, Fatou Bensouda, a affirmé qu’ils ont « été utilisés pour se battre dans les conflits, pour violer, pour tuer ». Vêtu d’un élégant costume bleu marine, cravate jaune et pochette assortie, Thomas Lubanga est resté impassible, comme il l’avait été durant les deux ans de procès. Pour la magistrate gambienne, « ce procès a donné une voix aux enfants que Mr Lubanga a enrôlé alors qu’ils se rendaient à l’école, aux enfants auxquels Mr Lubanga a appris à tuer, aux filles que Thomas Lubanga a offert à ses commandants ». Elle a salué le courage de neuf d’entre eux, venus déposer au cours du procès. « Ce sont ces enfants que le monde a décidé de protéger », a-t-elle affirmé.

« Les enfants, c’est l’avenir d’une nation »

Représentante des victimes, Maître Carine Bapita a fait peser sur les trois magistrats de la chambre la responsabilité d’un jugement historique. « La RDC aura, à l’issue de ce procès, un jugement émanant de la plus grande Cour du monde », a-t-elle déclaré. Ce jugement devra « dissuader les seigneurs de guerre qui n’ont pas encore compris », selon l’avocate congolaise. « Les enfants, c’est l’avenir d’une nation. Accepter des enfants dans les groupes armés, c’est condamner tout un pays ». Dans le box, l’accusé soupire. Mais sa défense prépare la contre-attaque.

Pour ses avocats, le dossier du procureur repose, pour l’essentiel, sur de faux témoignages. Maître Catherine Mabille a dénoncé « une opération de manipulation de la preuve, orchestrée par les intermédiaires du bureau du procureur ». Ces intermédiaires, des Congolais, étaient chargés d’épauler les enquêteurs lors de leurs missions sur le terrain, en Ituri. Au cours du procès, commencé en janvier 2009, plusieurs personnes avaient été appelées par la défense pour démontrer ces manipulations. Un témoin avait ainsi qualifié les intermédiaires d’« escrocs ». « Au lieu de me laisser raconter mon histoire, ces gens là essaient de manipuler l’enquête », avait-il déclaré.

Kinshasa a « instrumentalisé » le procureur

Poursuivant sa démonstration, l’avocate française a estimé que certain des intermédiaires agissaient pour le pouvoir de Kinshasa. Elle a accusé le procureur d’être « instrumentalisé » par Kinshasa. S’adressant aux trois juges, elle a conclu que l’intégralité du dossier du procureur était « gangréné » par les faux témoignages. Maître Jean-Marie Biju-Duval, qui représente aussi Thomas Lubanga, a estimé que l’accusé avait payé son opposition à l’Ouganda. « Défier l’Ouganda, c’est défier les Nations unies et la Monuc », a-t-il estimé. « La Monuc et les Nations unies ne pardonneront pas à l’accusé d’avoir voulu s’interposer entre grandes puissances », lors de la bataille pour la prise de Bunia, chef lieu de l’Ituri, en 2003.

C’est Thomas Lubanga, lui-même, qui a conclu la plaidoirie de la défense. « Il m’a été impossible de me reconnaître dans les faits criminels injustement imputés et dans les intentions qui m’ont été prêtées » au cours du procès, a-t-il déclaré. « Ce qui s’est passé dans le contexte tragique de l’Ituri, c’est que j’ai assumé, avec le concours d’autres citoyens, des responsabilités. Je l’ai fait juste dans le but de lutter contre l’inhumanité dévastatrice dont souffraient à cette époque toutes les communautés congolaises de l’Ituri ».

Vendredi soir, les juges se sont retirés pour délibérer. Le jugement devrait être rendu d’ici décembre. Mais la sentence sera fixée début 2012.

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