Le témoignage de notre envoyée spéciale à Mogadiscio, Stéphanie Braquehais
Je me trouve dans le vieux quartier de Mogadiscio, dans la cathédrale italienne qui a été construite pendant la colonisation. Imaginez d’immenses bâtisses dont le toit a disparu, les vitraux aussi bien sûr, de même que les portes. Partout des pierres jonchent le sol. Des tentes de fortune ont été installées ces dernières semaines dans cette église. L’image est extrêmement forte.
Je parlais à une mère de quatre enfants qui a fui la famine dans le sud de la Somalie et se nourrit simplement de thé sans sucre. Elle n’arrive pas évidemment à nourrir ses enfants. La plupart des enfants sont atteints de rougeole ou de maladies respiratoires.
Aucune distribution de nourriture n’a lieu ici. Les gens sont très maigres, sans force. Et c’est comme ça un peu partout dans la ville, notamment dans le vieux Mogadiscio. Autour du Parlement par exemple, ou dans la rue qui monte vers le marché de Bakara, on voit des centaines de tentes de fortune, des branchages coiffés de petites couvertures ou de bouts de tissus, pour protéger tant bien que mal les gens du vent.
Pour les organisations humanitaires c’est un vrai défi, en termes sécuritaire, d’atteindre tous ces réfugiés qui se sont installés là de manière spontanée.
Les organisations humanitaires doivent se concerter davantage et mieux se coordonner. Récemment le Programme alimentaire mondial a reconnu qu’un détournement de l’aide alimentaire avait lieu à Mogadiscio.
RFI : La situation sécuritaire est un vrai défi actuellement dans la capitale somalienne. Les milices shebabs se sont-elles réellement retirées de Mogadiscio il y a quinze jours ? Quelles sont les forces en présence aujourd’hui dans la capitale ?
Sur la majeure partie de la ville, les forces de l’Union africaine, l’AMISOM, soit 9 000 soldats ougandais et burundais, se sont déployées. Ces troupes appuient les forces pro-gouvernementales. L’armée somalienne qui n’en a que le nom, est surtout composée de milices.
Mercredi 17 août, je me suis rendue sur une ligne de front, à quelques centaines de mètres d'ici. Les shababs sont toujours présents, se cachent dans les broussailles et tentent surtout des attaques éclair. Ils sont encore présents dans l’extrême nord-est et au nord-ouest de la ville. L'AMISOM réclame 3 000 hommes supplémentaires pour pouvoir se déployer sur la ville, car plus les troupes se dispersent, plus elles sont vulnérables.
On se souvient de ce qui s’est passé avec les forces éthiopiennes en 2007. Elles ont finalement dû se retirer en 2009. Or au plus fort de leur présence, les Ethiopiens étaient 15 000. Face à une guérilla urbaine, un déploiement des forces armées est toujours problématique. En face, les shababs sont certes très divisés, mais pour le moment il n’y a pas de signe de scission du mouvement. Le retrait qu'ils ont opéré est véritablement un retrait tactique.
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