Dans un nouveau geste de défi, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a prédit vendredi 17 juin, dans un message audio, que l'Otan serait vaincue et ne réussirait pas à faire plier son régime. « Ils seront vaincus », a assuré le Guide dans son message diffusé par la télévision. « Nous sommes décidés à ne rien changer dans notre pays si ce n'est par notre propre volonté et loin des avions de l'Alliance ». Et Kadhafi de menacer : « Nous résistons, nous combattons, s'ils descendent au sol, nous les attendrons. Mais ce sont des lâches, ils n'oseront pas ».
Pendant ce temps, les bombardements des troupes fidèles au régime libyen se poursuivaient contre les forces rebelles. On signalait samedi 18 juin d'intenses combats dans les montagnes berbères de l'ouest où la rébellion tente de renforcer ses positions. Vendredi, cette dernière a réussi à s’assurer le contrôle, au terme de violents affrontements, de toutes les localités situées entre Zenten et Yefren, deux villes déjà entre ses mains. Plus à l'est à Misrata, le grand bastion côtier des insurgés, les pro-Kadhafi ont bombardé l'est et l'ouest de la ville tuant 10 civils, selon une source rebelle.
Une incertaine solution diplomatique
Alors que les combats se poursuivent depuis des mois, de discrètes négociations ont-elles été entamées entre le régime et la rébellion en vue de sortir le pays de la crise ? Dans le camp Kadhafi, on l’affirme. Le Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi a confirmé que des contacts avaient lieu entre le régime et les rebelles en Egypte, en France, en Norvège et en Tunisie. L'émissaire russe Mikhaïl Marguelov, qui s'était rendu jeudi 16 juin à Tripoli, avait lui même fait état « de contacts directs entre Benghazi (fief de la rébellion dans l'est) et Tripoli ».
Mais chez les rebelles, on dément. Il n'y a « pas de négociations en cours » avec le régime, a affirmé le dirigeant rebelle Mahmoud Jibril lors d’une visite à Naples, en Italie. Au cours d'une conférence de presse aux côtés du ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini, le responsable du CNT a souligné que « si des négociations devaient avoir lieu », le Conseil national de transition, l’organe politique de la rébellion, « s'était engagé à l'annoncer à tous ses amis de par le monde ».
Risque d’enlisement
Selon de nombreux experts, la déstabilisation du colonel Kadhafi pourrait prendre du temps. Ce dernier a, certes, été lâché par nombre de ses alliés et est confronté à des défections en série dans son entourage. Vendredi, il a enregistré un nouveau revers avec l'annonce par le Burkina Faso de contacts entrepris avec le CNT. L'Otan, qui agit en Libye sous mandat de l’ONU, a rappelé de son côté les trois objectifs qu’elle entend remplir : l'arrêt des attaques contre les civils, le retour dans leurs casernes des pro-Kadhafi et l'accès total des organisations humanitaires. « La mission continuera et nous augmenterons la pression jusqu'à ce que ces objectifs soient atteints », a déclaré cette semaine une porte-parole de l'Alliance.
Reste que, face à une intervention militaire de plus en plus coûteuse, des voix commencent à s'élever pour s'impatienter, s’inquiéter de la longueur des opérations et le risque d'enlisement. Dans une déclaration commune publiée jeudi, les présidents russe Dmitri Medvedev et chinois Hu Jintao ont dit leur inquiétude devant la situation en Libye. Samedi 18 juin, le ministre italien de la Défense Ignazio La Russa a indiqué vouloir commencer « à réfléchir à une date » pour mettre fin à la partie active de sa mission en Libye, au-delà des trois mois pour lesquels l'Otan vient de s'engager à nouveau. Une telle attitude pourrait, a-t-il dit, « inciter nos alliés britanniques, français et américains à trouver une porte de sortie diplomatique à la crise ».