« L'élection présidentielle d'avril était annoncée comme faisant partie des plus justes de l'histoire du Nigeria, elle s'est révélée faire aussi partie des plus sanglantes », indique Corinne Dufka, chercheuse pour Human Rights Watch-Afrique de l'Ouest, dans le communiqué de l'ONG.
Une escalade de violences communautaires
Les violences ont démarré après l'élection présidentielle du 16 avril avec des pneus incendiés par des partisans du principal candidat de l'opposition, le musulman Muhammed Buhari, représentant le nord du Nigeria. Ils protestaient contre la réélection du candidat chrétien Jonathan Goodluck, qui représentait le sud du pays. D'après Human Rights Watch, de violents troubles ont vite dégénéré et entrainé un bain de sang dans les Etats du nord de Adamawa, Bauchi, Borno, Gombe, Jigawa, Kaduna, Kano, Katsina, Niger, Sokoto, Yobe, and Zamfara. Les officiels dénombraient déjà plus de 65 000 personnes déplacées.
En plus de brûler des églises, des boutiques et des maisons, les protestataires musulmans ont attaqué des commissariats de police, des bureaux du Parti démocratique populaire de Jonathan Goodluck et de la commission électorale. Selon des leaders musulmans et chrétiens, dans les villes et villages chrétiens du sud comme Zonkwa, Matsirga, Kafanchan, on dénombrait 500 morts, précise l'organisation de défense des droits de l'homme. Les témoins parlent de zones en « état de guerre » et de quartiers entièrement rasés. Dans l'Etat de Kaduna, au sud, de nombreux chrétiens ont exercé des représailles en tuant des musulmans, brûlant leurs mosquées et leurs propriétés.
Des incidents bien avant les élections
L'élection présidentielle fait partie d'une série de trois élections au Nigeria : législatives, le 9 avril 2011, présidentielle, le 16 avril 2011 et gouvernatoriale, le 26 avril 2011. Malgré le caractère pacifique du déroulement des élections, HRW signale des vols d'urnes et aussi des irrégularités de la police, surtout dans le sud et le Delta du Niger.
Dans l'Etat de Borno, un des leader des élections gouvernatoriales a été assassiné en janvier 2011 et des attentats à la bombe dans quatre Etats ont fait des douzaines de morts. Les élections ont aussi été entâchées par des allégations d'achats de votes, des bourrages d'urnes et une inflation des résultats, particulièrement dans le sud du pays, le bastion de Jonathan Goodluck.
Le cycle de la violence difficile à rompre
Au total, affirme le communiqué de HRW, on dénombre au Nigeria plus de 15 700 personnes tuées dans des violences inter-communautaires, politiques ou inter-religieuses depuis 1999. Dans le seul Etat de Kaduna, au nord du pays, 2 000 personnes sont mortes dans des accrochages qui impliquaient des protestataires chrétiens mobilisés contre la possible introduction de la charia dans l'Etat. On retrouve cette violence communautaire encore, deux ans plus tard en 2002, de la part de musulmans autour du concours de Miss Monde, ce qui causa 250 morts.