Des rebelles libyens à Misrata: «Qu’ils nous laissent les combattre»

A Misrata, port libyen assiégé depuis plus d’un mois et demi dans l’ouest du pays, la situation ne fait qu’empirer. Cinq personnes ont été tuées dans un bombardement mercredi 4 mai 2011. Des rebelles critiquent la stratégie de l’Otan et s’opposent à l’entrée de troupes étrangères.

Avec la correspondance d'Alberto Arce à Misrata, collaborateur à la rédaction en espagnol de RFI

Même s’il n’y a plus de combats dans les rues de Misrata, les menaces sur les civils pèsent encore et même s’intensifient. Les bombardements de l’Otan, dont la coordination avec les rebelles est toujours insuffisante, n’arrivent pas à changer la donne.

Autour de la ville, les fronts évoluent de manière très fluide. Sous les bombes, les troupes de Kadhafi se replient mais reprennent du terrain dès que les avions disparaissent de l’horizon. Une situation de va-et-vient qui exaspère certains rebelles.

« Nous ne comprenons pas l’Otan. Nous leur fournissons les coordonnées, nous leur signalons les unités à abattre, nous leur demandons d’attaquer… Mais il ne se passe rien. Ils sont toujours en retard. Parfois, ils n’arrivent même pas », dit Ghassan Kersini qui travaille au centre de communications que les insurgés ont établi dans le quartier de Garara.

Ce rebelle va même plus loin et affirme, indigné : « C’est comme si ceux de l’Otan travaillent pour Kadhafi. La Libye n’est pas seulement Benghazi. Ils semblent s’arranger avec le fait qu’il y ait la paix là-bas. Mais la vraie guerre a lieu en ce moment même à Misrata. Les forces de Kadhafi ont commencé à bombarder le 19 mars, il y a plus de 40 jours, et la situation empire de jour en jour. »

Les rebelles ont réussi à vaincre (totalement et par eux-mêmes) les snipers du régime qui terrorisaient la population civile autour de la rue Tripoli de Misrata. Ils ont réussi aussi, avec l’aide des alliés, à faire replier l’armé de Kadhafi jusqu’à la banlieue. Mais leurs positions sont pilonnées avec de l’artillerie lourde et des roquettes Grad par les forces de Kadhafi. Dans les dernières heures, il y a eu plus d’une trentaine de morts.

« La Libye deviendra un nouvel Irak »

Certains rebelles se montrent en même temps hostiles à la présence de militaires étrangers à Misrata. Mohammed Abdala, chargé de la communication des rebelles, vient d’arriver de Zawiat. Il fait la comparaison avec une consultation médicale.

« Si j’ai mal à l’estomac, le médecin ne va pas s’occuper de mes yeux. C’est pareil avec l’Otan. Nous voulons qu’ils expulsent Kadhafi, et qu’ils le fassent vite et depuis le ciel. Mais nous n’acceptons pas l’entrée des troupes terrestres étrangères comme proposent certains. L’Otan a toute l’information dont elle a besoin. Pourquoi ne ferment-ils pas la frontière du Tchad pour que Kadhafi ne puisse plus recevoir des approvisionnements et renforts ? En fait, ils veulent nous affaiblir pour que nous courons leur supplier d’entrer avec leurs soldats, ceux qui sont dans des navires français et anglais en face du port. »

De même, Ghassan Kersini ne voit pas d’un bon œil l’entrée de troupes étrangères : « Ma famille, les Jamal, a plus de 50 combattants au port. Si un seul soldat étranger met les pieds ici, nous lutterons contre eux. Ce qui est en jeu, c’est l’éducation de nos enfants. Misrata est à nous. Si les troupes étrangères entrent, ils vont rester pendant des années et la Libye deviendra un nouvel Irak. »

Au final, Ghassan et Mohammed sont tous deux d’accord sur la stratégie militaire qu’il faut conduire à Misrata : « Qu’ils nous fournissent cinq hélicoptères et nous laissent les combattre. »

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