Les promesses d'une révision de la Constitution de 1996, de la loi électorale et de la loi sur les partis ou du code de la presse du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, n'ont pas convaincu les Algériens.
Les premières réactions des médias au discours télévisé du chef de l'État de ce 15 avril, ont ainsi porté sur les éléments manquants de son intervention.
« L’Algérie a besoin de l’application des lois déjà existantes et non pas de les amender », souligne El Khabar. Le journal estime que le pouvoir veut gagner du temps au lieu d’aller vers une meilleure gouvernance et vers la transparence dans la gestion des affaires publiques. La décision d’amender la Constitution, deux ans seulement après sa révision en 2008, ainsi que le projet de révision de la loi électorale en 2003 révèlent que « le pays est entré dans un cercle vicieux », estime El Khabar qui répertorie les réactions des partis politiques.
Liberté écrit que « les partis d’opposition et les représentants de la société civile marquent leur désappointement, si non leur distance, vis-à-vis de ce discours qui n’enclenche visiblement pas une dynamique pour le changement de gouvernance et des pratiques démocratiques. Pour certains, ajoute le quotidien, ce n’est que de la poudre aux yeux. Pour d’autres, une échappatoire pour perdurer dans un monde arabe en ébullition ».
Naturellement, la presse étatique est unanimement favorable aux perspectives tracées par le président de la République alors que la presse privée se fait généralement l’écho des critiques des opposants de tout bord.
Le Jour d’Algérie (journal privé) va cependant à contre-courant et critique l’opposition qui a mal accueilli le discours présidentiel. Selon son éditorial, « elle verse dans l’oppositionnisme ». El Watan a relevé qu’Abdelaziz Bouteflika est apparu diminué physiquement. Et pour ce journal, « il a lu une feuille de route qu’il ne semble pas maîtriser ».
Les partis d’opposition au régime réclament aussi plus de changements, voire une dissolution du gouvernement. « Bouteflika annonce une petite marche-arrière sur son cours autoritaire. Il nous propose de nous redonner l’état des libertés telles qu’il les a trouvées en 1999. Mais nous, nous voulons plus » insiste Chawki Salhi, secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs.
Abdelhamid Mehri, ancien militant nationaliste durant la guerre d'Algérie et ancien dirigeant du Front de libération nationale (FLN)*, n'est pas satisfait du discours à la nation du président algérien : « Réduire la réforme à la révision des textes revient à ignorer une grande vérité : l'impuissance du régime et ses imperfections découlent plus de ses pratiques et de ses règles de travail que des textes, qu'il s'agisse de la Constitution ou des lois ».
« Je pense que la dissolution de toutes les institutions politiques actuelles est nécessaire pour avoir un pays démocratique estime Karim Yamoun, membre de la Coordination nationale autonome des étudiants (CNAE) En tant que coordination nationale, on a décidé de boycotter tous les pseudo-débats. Moi je suis pour une deuxième République ».
Le bilan positif, tracé par Bouteflika dans son intervention*, fait débat. Il a surpris les Algériens, qui depuis plusieurs semaines manifestent par petits groupes en réclamant des augmentations de salaires. Ce bilan ne reflète qu'une part de la réalité, selon l’économiste Salah Mouhoubi : « Le chômage n'a pas reculé ces dernières années, malgré toutes les mesures qui ont été prises. Il touche surtout les jeunes. On comprend fort bien qu'ils puissent descendre dans la rue ».
Même dans l'alliance présidentielle, Abderezak Mokri, vice président du Mouvement de la société pour la paix (islamiste), a des doutes : « Je ne pense pas qu'il existe une réelle volonté de réforme ».
Début janvier, une augmentation des prix des denrées de base avait provoqué de violentes émeutes à Alger et en Kabylie. Les jeunes avaient été au premier rang dans ce mouvement de révolte.
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*Abdlhamid Mehri s'était opposé à l'armée durant les années 90. Il avait été limogé de son poste de secrétaire général du FLN en 1995 pour avoir signé les accords de sortie de crise de Sant'Egidio.
** Le texte intégral du discours du président Bouteflika proposé sur Facebook.