Nigeria : la violence plane sur les élections générales

Après deux reports successifs, les élections générales doivent démarrer ce samedi 9 avril 2011 avec les scrutins législatifs, suivis de la présidentielle le 16 avril et de l'élection des gouverneurs le 26 avril. Mais en dépit des appels au calme et du déploiement massif des forces de sécurité, la violence politique menace à nouveau le bon déroulement du vote.

Jeudi 7 avril, c’est une explosion à Kaduna qui a fait un mort. Et ce vendredi soir, dans le village de Suleja (Etat du Niger) une nouvelle explosion devant les locaux de l’Inec, la Commission électorale nationale indépendante, a fait onze morts et 38 blessés selon le bilan établi par les Services de sécurité de l'Etat (SSS). Réminiscence des événements de 2007, le Nigeria renoue avec la violence politique en cette période d’élections. «C’est une constante depuis le retour de la démocratie», indique Ishola Williams, ancien général et directeur du Groupe panafricain de Recherche et de Politiques stratégiques (Panafstrag). «Les postes de sénateurs, gouverneurs et président sont extrêmement puissants. C’est l'accès aux ressources du pétrole assuré. La convoitise est donc démesurée. Et les hommes politiques prêts à tout, jusqu’à recruter des jeunes et les armer pour semer la terreur». 

 
Selon Amnesty International, au moins vingt personnes auraient déjà été tuées au cours des trois dernières semaines. «En 2007, nous avions enregistré environ 200 morts, malheureusement je pense que ces élections risquent d'êtres plus meurtrières», indique Lucy Freeman, spécialiste du Nigeria au sein de l’organisation de défense des droits de l’homme. «Le niveau de violences a augmenté en flèche. Si rien n’est fait rapidement, les élections d’avril seront sanglantes», ajoute-t-elle. 

Au-delà des trois points chauds «traditionnels» que sont la ville de Jos (Etat du Plateau dans le centre), la région pétrolifère du Delta du Niger et le Nord-Est du Nigeria, qui fait face à une série d’assassinats perpétrés par des supposés islamistes membres de la secte Boko Haram, les observateurs craignent des explosions dans différents Etats où la course au poste de gouverneur s’annonce serrée. 

Il en va de même dans le Grand Nord où la question religieuse est très sensible. La victoire attendue du président sortant Goodluck Jonathan, chrétien du Sud pourrait en effet déchaîner les passions d’une majorité de nordistes convaincus que, suite au décès du président Umaru Yar’Adua, le prochain homme fort du pays doit être un homme du Nord musulman. Un risque d’autant plus important, si les différents scrutins ne sont pas «libres et transparents», comme l’ont martelé les autorités au cours des derniers mois. 

La sécurité a été renforcée dans la perspective du scrutin

Le problème est qu’avec le report à deux reprises des législatives -initialement prévues samedi dernier- les attentes des Nigérians ont été déçues. Certes, la majorité donne encore du crédit au président de la Commission électorale, Attahiru Jega, mais la théorie d'un sabotage orchestré par les partis politiques a gagné les esprits. 

Pour éviter tout dérapage aux abords des quelque 120 000 bureaux de vote, la sécurité a été renforcée. La police a été déployée sur tout le territoire. L’armée, elle, devrait patrouiller dans les zones à risques de violence. Dans le centre du pays, zone tampon entre le Nord musulman et le Sud chrétien, diverses mesures de précaution ont été prises, comme l'installation de détecteurs de métaux à l'entrée des mosquées et des églises. 

Le ministère de l'Intérieur a également annoncé la fermeture des frontières terrestres de vendredi midi à dimanche matin. Une restriction de la circulation aux seuls véhicules nécessaires à la bonne tenue des élections, ou assumant des missions d'urgence, a été décrétée à partir de ce vendredi 22 heures.
 

Prudents et inquiets, la société civile, certains hommes politiques et quelques intellectuels ont multiplié les appels au calme. En vain ? «La commission électorale a fait un travail satisfaisant, mais je ne suis pas très optimiste», confie Ruben Abati, rédacteur en chef du quotidien The Guardian. «D’un côté, on a des gladiateurs de la politique pour qui la victoire est une question d’ego (...) Et de l’autre, de plus en plus de Nigérians qui attendent beaucoup de leur vote, dit-il. Maintenir la paix et l’ordre va être le gros problème de ces élections. Pendant et après

 

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