Le Kenya suit de près les comparutions initiales devant la CPI des suspects des violences postélectorales

Les comparutions initiales des six Kényans désignés par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) comme responsables des violences postélectorales ont eu lieu jeudi 7 et vendredi 8 avril 2011 à La Haye. Un événement suivi dans tout le pays car depuis 2008 l’espoir d’une justice qu’elle soit locale ou internationale semblait devenue très vague et théorique. Cependant, il ne s’agissait que d’une comparution initiale et les chefs d’accusation doivent encore faire l’objet d’une confirmation le 1er septembre prochain.

Avec notre correspondante à Nairobi

Ces comparutions (de jeudi William Ruto, ancien ministre et leader de la vallée du Rift ; Henry Kosgei, ex-ministre ; Joshua Arap Sang, journaliste ; et ce vendredi de Uhuru Kenyatta, ministre des Finances ; Francis Muthaura, chef de cabinet à la présidence ; et Hussein Ali, ancien chef de la police) étaient plus formelles qu’autre chose. Cependant, elles ont donné, enfin, une image concrète dans les esprits, notamment pour les victimes des violences postélectorales et la population en général.

Voir les images retransmises à la télévision ou le compte rendu des journaux sur ces hautes personnalités face aux juges de la CPI est enfin devenu une réalité. Avec des moments d’audience repris partout, comme celle où William Ruto, ancien allié de Raila Odinga, devenu son plus farouche ennemi, déclarait : « Ces allégations me font penser à ce qui est possible seulement dans les films. ». Une tirade qui n’a pas du tout fait rire la juge qui lui a répliqué qu’il pourrait s’expliquer plus tard par le biais de son avocat.

Selon un sondage, 60% des Kényans soutiennent la CPI

Il y a deux dimensions : politique et opinion publique. Pour cette dernière, il y a un vrai soulagement, un soutien fort, un sondage donnait encore cette semaine 60% de soutien des Kényans envers la CPI. Ce sondage a été immédiatement critiqué par le vice-président Kalonzo Musyoka, déclarant que les sondages subjectifs, ne faisaient qu’influencer la population dans un sens. Mais toutes les déclarations politiques sont éminemment stratégiques par rapport à la CPI et ne sont tournées que vers un seul objectif : l’élection de 2012. Kalonzo Musyoka s’érige en anti-CPI, défendant bec et ongles Uhuru Kenyatta et William Ruto, candidats à la présidentielle, dans l’espoir de récupérer leurs votes, notamment le vote kikuyu et kalenjin, s’il s’avère qu’ils sont inculpés, pour qu’il ait alors toutes ses chances. Raila Odinga s’érige, lui, en défendeur de la justice internationale, défendant âprement la CPI pour se démarquer, ce qui pour le moment fonctionne mais demeure très fragile.

Et ce alors que le Kenya fait tout pour annuler la procédure. Tout est double discours et faux semblant. Lundi prochain, un rallye géant est prévu au parc Uhuru pour accueillir les six suspects. A La Haye, une quarantaine de députés sont venus pour soutenir William Ruto coiffés de sa casquette favorite aux couleurs du drapeau kényan, pour ne donner que quelques exemples.

Dernière initiative en date du gouvernement après le recours au Conseil de sécurité de l’ONU : une requête auprès de la CPI qui propose des réformes sur six mois, la nomination d’un directeur des poursuites indépendant du pouvoir pour juger les responsables au Kenya. Le gouvernement annonce par le biais de deux avocats britanniques très renommés, qu’il va remettre trois rapports en juillet, août et septembre pour prouver ses réformes. Seulement comme le soulignait encore le procureur Ocampo jeudi, il faut les mêmes suspects pour les mêmes faits, pour que les mêmes crimes soient réellement jugés sur le territoire kényan. Il faut savoir que la mise en place d’un tribunal local n’a jamais pu être votée par le Parlement.

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