Un tanker qui a quitté la ville de Port-Saïd en Egypte, est arrivé mardi 5 avril 2011, dans le port de Tobrouk, dans l’est du pays. Il chargera dans ses cales les premiers barils de pétrole détenus par les rebelles libyens, depuis l’arrêt total des exportations de brut du pays. Si l’on en croit des informations rapportées par Lloyd’s Intelligence, un service d’informations économiques spécialisé dans le domaine maritime, il s’agit d’un tanker battant pavillon libérien, il est la propriété de Dynacom, un armateur grec spécialisé dans les hydrocarbures.
Les champs pétroliers situés dans les régions de Libye tenues par les insurgés produisent 100 000 à 130 000 barils par jour. Un rythme qui, selon Ali Tarhoni représentant des rebelles chargé des questions économiques, pourrait facilement augmenter jusqu’à 300 000 barils par jour. D’ores et déjà, le Conseil national de transition (CNT), l’organe de l’opposition, a annoncé, dimanche 3 avril 2011, qu’il avait signé un accord avec le Qatar pour commercialiser du pétrole libyen.
Un brut léger pauvre en souffre
Le riche émirat a été le premier pays arabe à reconnaître le CNT. En clair, Qatar Petroleum achètera le brut aux rebelles pour ensuite le revendre. Cela devrait représenter une source de financement providentielle pour les opposants à Kadhafi. Le tanker arrivé au large de Tobrouk dispose, en effet, d’une capacité d’un million de barils. Au cours actuel du brut, une telle cargaison représente environ 120 millions de dollars.
Le potentiel est de taille. La Libye produit moins de 2% du pétrole mondial, mais le pays est le troisième producteur de brut en Afrique, après le Nigeria et l’Angola. La Libye recèle surtout de grandes réserves d’or noir, entre 40 et 60 milliards de barils, qui sont les huitièmes du monde et les premières d’Afrique. Le pétrole libyen est, en outre, d’une qualité particulière. C’est un brut léger à faible teneur en souffre, ce qui augmente son taux de rendement au raffinage.
Une partition des richesses énergétiques
La Libye produisait 1,6 million de barils par jour d'or noir avant la crise, qu'elle exportait en grande partie vers l'Europe. Pour l’heure, tous les pétroliers étrangers ont fermé les champs qu’ils exploitaient dans le pays. Avant que n’éclatent les affrontements, la Libye accueillait les grands acteurs du secteur. Les majors historiques, comme l’italien Eni, le français Total, l’espagnol Repsol, l’allemand Wintershall, l’autrichien OMV, l’américain Occidental Pétroleum qui produisent et exploitent, et les nouvelles, comme le russe Gazprom et le chinois CNOOC qui ne font que de l’exploration. Ces compagnies travaillaient en coentreprise avec la NOC, la société nationale libyenne, aux mains de Kadhafi.
Alors qu’un front militaire coupe déjà le territoire en deux, la perspective d’une partition des richesses énergétiques du pays est de plus en plus d’actualité. Pour des experts, elle est, en effet, techniquement envisageable entre l’Ouest sous contrôle du colonel Mouammar Kadhafi, et l’Est dominé par l’opposition. Les rebelles tiennent dans l’Est les champs de la région de Sarir ainsi que des installations de raffinage et d’exportation à Tobrouk et Benghazi. Les loyalistes contrôlent les champs d’el-Feel, et les installations de Zawiyah et Tripoli.