Les Etats-Unis sur le front libyen : ambiguïtés et recadrages

Après trois jours de patrouilles et de frappes en Libye réalisées sous l'égide de l'ONU et de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, de plus en plus de voix relèvent, aux Etats-Unis, des ambiguïtés dans les positions de l'administration Obama.

C'est un exercice d'équilibrisme singulier : Barack Obama est informé dit-on « minute par minute » de la situation en Libye, mais le commandant en chef n'a pas annulé sa tournée en Amérique latine.

Il a même parfaitement donné le change dimanche à Rio de Janeiro, en échangeant quelques passes au football avec les enfants d'une favela, et en montant en famille jusqu'au haut-lieu touristique local, le Christ du Corcovado. De même, son ministre de la Défense, Robert Gates, n'a reporté que d'une journée son voyage prévu à Moscou.

Le gouvernement américain n'a pas laissé la crise en Libye perturber de façon trop voyante son calendrier. Il reste manifestement fidèle à la ligne inaugurée samedi au sommet de Paris par Hillary Clinton, d'après laquelle les Etats-Unis ne sont qu'en seconde ligne sur le front libyen. Dans la capitale française, la secrétaire d'Etat s'était montrée très en retrait par rapport au président français Nicolas Sarkozy.

Le choix des cibles

Aux Etats-Unis, la classe politique et la presse s'interrogent toutefois. Car c'est bien le commandement américain qui coordonne les opérations autorisées par le Conseil de sécurité de l'ONU, et le choix des cibles se prête à des interprétations divergentes sur le but réel de Washington : des tirs qui frappent, comme ce fut le cas dimanche soir, le complexe résidentiel du colonel Kadhafi, visent-ils à protéger des civils, ou plutôt à atteindre directement le « Guide » libyen ?

Le chef d'état-major interarmées, Michael Mullen, s'est donc répandu dimanche sur les télévisions américaines pour recadrer les commentaires et ramener le rôle des Etats-Unis à celui du coordonneur de circonstance, et pressé de passer le relais d'une intervention, certes sérieuse et périlleuse, mais circonscrite à tous égards.

Barack Obama poursuit sa tournée

« Il ne s'agit pas de le chasser du pouvoir », a-t-il dit par exemple à la chaîne Fox, mais « d'accomplir des objectifs relativement limités, afin qu'il cesse de tuer son peuple et que l'aide humanitaire puisse se frayer un chemin », et le transfert du commandement de la coalition n'est « qu'une question de jours ».

Quant au président américain, il poursuit sa tournée par une étape au Chili ce lundi 21 mars 2011, tout aussi vouée aux débouchés commerciaux que celle du Brésil. Mais ses conseillers à la sécurité nationale le suivent pas à pas, prompts à le mettre en relation avec tous les hauts responsables de l'intervention en Libye.

A ceux qui s'étonnent de cette espèce d'ubiquité, l'entourage de Barack Obama pourrait répondre, comme il a coutume de le faire, par une expression qui avait fait flores sous Gerald Ford, que le président est « capable de marcher et de mâcher du chewing gum en même temps ».

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