Les insurgés libyens reculent

Il y a encore une semaine, les insurgés libyens étaient à Ben Jawad et se voyaient déjà prendre Syrte pour préparer l'assaut final sur Kadhafi à Tripoli. Mais, pour la plupart volontaires, mal encadrés et mal équipés, ils reculent face aux attaques de l’armée régulière. Une semaine et des dizaines de raids aériens plus tard, ils ont perdu deux cents kilomètres et les localités de Ras Lanuf, Ben Jawad, Agueila et Bréga. Lundi 14 mars 2011, les insurgés ont été bombardés à Ajdébyia et Tobrouk, derniers verrous contrôlant l'accès à Benghazi, capitale de la Libye libre.

Sur les lignes de front, les insurgés en chaussures de tennis n'ont d'autre recours que l'improvisation car - ils s'en plaignent - ils n'ont pas de gradés vers qui se tourner. Malgré les nombreuses défections annoncées au sein de l’armée régulière par les forces révolutionnaires, les militaires de carrière sont en effet peu visibles parmi les rebelles.

L'offensive des hommes de Kadhafi repose avant tout sur des raids aériens. Paradoxalement, les pilotes des Sumo manquent presque toujours leurs cibles, comme s'ils voulaient éviter les pertes civiles qui provoqueraient par ricochet une intervention militaire de la communauté internationale.

Pourtant, même imprécis, les raids et l'artillerie lourde poussent les insurgés à reculer. Ils étaient pour la plupart médecins ingénieurs ou étudiants le mois dernier et n’ont aucune expérience des combats. Aux check points, ces guerriers amateurs naviguent entre euphorie et panique, et sont distraits par les photographes et les badauds ayant soif de sensation.

Leur farouche détermination a pu désarçonner au début les forces de l’armée régulière, mais l'expérience des troupes du Guide, mieux armées, semble s’imposer. Mouammar Kadhafi a dégainé son arme favorite : la peur semée par ses hommes infiltrés dans la Libye libre. A Benghazi, ils ont tué le cadreur d'une équipe télé et ont déjà fait fuir des masses de journalistes internationaux, qui manqueront peut-être la contre-offensive finale des hommes du chef de la Jamahiriya.


L'état d'esprit à Tobrouk

avec nos envoyés spéciaux

 

Le verrou d’Ajdabiyah ouvre sur deux routes, l’une vers le nord dans la direction de Benghazi, l’autre vers le nord-est, vers Tobrouk et la frontière égyptienne. A Tobrouk, les gens ignorent de quoi demain sera fait.
 

C’est une petite ville tranquille, loin de l’effervescence de Benghazi. Mais ici, comme à Benghazi, il y a une place, fraîchement rebaptisée Place des martyrs, où l’on campe pour demander le départ du colonel Kadhafi. On y trouve une banque, qui fonctionne normalement, et dont l’une des employées est Irakienne. « Personne ici ne sait ce qui se passera demain, dit-elle. Moi je n’ai pas peur, je suis irakienne, j’ai l’habitude. Mais les gens ici craignent d’être punis si Kadhafi revient ».
 

A quelques mètres de là, on refait le monde et la démocratie. Abdallah et ses amis discutent, souvent bruyamment, de la situation : « La liberté, on la connait maintenant. Avant on voyait à la télé comment les gens vivaient ailleurs, mais maintenant on y a goûté aussi. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Même si c’est Tobrouk la prochaine étape, qu’est-ce que ça fait ? Si on meurt, qu’est ce que ça fait ? Si nous n’avons pas la liberté peut être que ce seront nos enfants qui l’auront. Rien n’est gratuit, la liberté, ce n’est pas gratuit ».

 

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