Avec nos envoyés spéciaux à Tunis
A priori, on ne s’achemine pas vers de gros chamboulements. Selon nos informations, le gouvernement de Béji Caid Essebsi n’aura rien de révolutionnaire.
L’ancien cabinet d’ailleurs n’a pas démissionné : seuls deux ministres et un secrétaire d’Etat qui symbolisaient le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), sont partis. Donc, on s’achemine vers la reconduction de la même équipe avec deux ou trois nouvelles têtes. A moins d’un coup de théâtre, des rumeurs courent notamment sur la démission d’un ancien opposant.
Est-ce que cette formule de gouvernement, si elle est confirmée, apaisera la contestation ? Ce qu’on peut dire, c’est que c’est peu probable en tout cas aujourd’hui car les manifestants qui font le siège de la Kasbah veulent du sang neuf. Ils réclament beaucoup plus : une nouvelle Constitution, une Assemblée constituante qui donnerait la voix à tous les courants, et surtout le départ de Fouad Mebazaa. Car s’il reste un symbole aujourd’hui de l’ancien régime Ben Ali, c’est lui, l’ex-président du Parlement, qui assure aujourd’hui l’intérim à la tête du pays.
Un changement jusqu’aux racines
En attendant, chacun fait ses vœux : un cabinet de technocrates, réclament les jeunes, un gouvernement de jeunes qui incarnent la révolution, demandent les autres.
Pour Saïd, un médecin rencontré devant la résidence du Premier ministre, certains opposants sont d’ores et déjà discrédités : « On a l’impression qu’une partie de l’opposition a sauté sur des portefeuilles, les chaises, le pouvoir. Il y a une autre opposition qui s’est démarquée des autres en gardant ses distances. Et ces opposants ont gagné la confiance du peuple ».
Et ce que demande le peuple, qui campe dans l’humidité sous les fenêtres du Premier ministre, c’est un changement jusqu’aux racines. « On veut faire un nouveau régime là où il y a une véritable démocratie. C’est une révolution donc on doit déraciner tout le système », ajoute-t-il.
Le nouveau Premier ministre Béji Caid Essebsi, 84 ans, fait partie des anciens mais il jouit plutôt d’une bonne réputation. C’est un ancien ministre de Habib Bourguiba, père de l'indépendance et président tunisien de 1957 à 1987. Ici en haut de la Kasbah, on rappelle que ce qui compte ce sont les actes.
Pour Soukeina, une enseignante, « son profil est bien, mais on veut des décisions audacieuses. On cherche la qualité des décisions ». Un gouvernement de qualité, c’est le minimum demandé aujourd’hui par les manifestants.
Les violences du week-end ont laissé des traces
Sur le terrain, le calme est revenu sur l’avenue Bourguiba à Tunis après les violences du week-end. Mais des débris de verre jonchent toujours le sol, et dans le centre ville, on peut encore voir les carcasses de voitures de brûlées. Dans le quartier de Sidi Fatallah à Ben Arous, en banlieue de Tunis, les magasins attaqués se barricadent et s’inquiètent de ces nouvelles formes de violence qui n’existaient pas auparavant.