Trois films africains s’affirment au FIPA

L’Afrique et les Africains sont l’objet de nombreux films au Festival international de programmes audiovisuels (FIPA) à Biarritz. Il y a Coco, un chauffeur de taxi camerounais à Yaoundé, dans La Métaphore du manioc du réalisateur Lionel Meta. Joshua Atesh Litle évoque le hip-hop sénégalais dans Hip-hop, le monde est à vous !. Patrick Benquet s’occupe de la Françafrique. Louise Lockwood dépeint un South Africa in Pictures. Charles Castella nous offre Abderrahmane Sissako, une fenêtre sur le monde. Mer de plastique revient sur l’histoire d’un clandestin nigérian en Espagne et Paul Moreira se penche sur Toxic Somalia : L’autre piraterie. Mais attention : les Africains continuent aussi de raconter eux-mêmes avec talent leurs vies et leurs pays. Les trois films sélectionnés à Biarritz ne courent pas dans la compétition officielle, pour la seule raison qu’ils ont été montrés déjà dans d’autres festivals. Preuve de leur compétitivité et de leur originalité. Entretien avec Teresa Cavina, déléguée générale du FIPA.

RFI : Trois jeunes femmes camerounaises veulent bâtir leur liberté en dansant. Dans Life, le réalisateur Patrick Epape suit le quotidien de ces danseuses à Douala et raconte leur combat pour vivre leur art et lutter contre les préjugés. A l’écran, elles sont stars de clip vidéo, à la ville, elles doivent se battre pour vivre de leur art. Ce documentaire plein d’espoir, est-il représentatif pour la production audiovisuelle africaine ?

Teresa Cavina : Le documentaire en Afrique a une vie avec des hauts et des bas. Il n’a pas une vie facile. Il y a plusieurs raisons pour cela. Parfois, c’est le fait que l’argent vienne des sociétés de soutien des Africains. Les pauvres doivent faire parfois presque de la commande humanitaire. Ce qui est aussi très difficile, c’est leur amour pour le pays et la nation, parce que la plupart des documentaires dénoncent des choses qui ne marchent pas.

C’est difficile pour les réalisateurs de se mettre dans cette position de dénonciation et d’agressivité vers un pays qui leur est très cher, qu’ils pensent à trahir et à insulter. C’est un rapport au pays comme au père ou à la mère. Même si on est pauvre, personne ne penserait jamais d’insulter le père ou la mère ou de leur dire : je ne mange pas assez. On trouve le même état d’âme parmi les réalisateurs africains, même chez ceux qui ont étudié ailleurs, qui sont sortis de l’Afrique et qui sont revenus. Ce lien viscéral avec le pays représente un empêchement.

RFI : Trois jeunes réalisateurs ont signé Congo en quatre actes, le film africain le plus sombre de votre sélection. Dieudo Hamadi, Kiripi Katembo Siku et Divita Wa Lusala montrent leur propre réalité et vision de la République démocratique du Congo. Ils dépeignent des conditions insoutenables où les gens subissent des scènes horribles : des femmes enceintes emprisonnées, des viols commis par des adolescents pour abattre les démons, des gens forcés de casser les pierres dans les mines.

T.C. : Ce n’est pas un hasard que le documentaire le plus dure, qui dénonce le plus, a été réalisé par des amateurs, par des très jeunes Congolais qui font partie d’un programme audiovisuel à Kinshasa. Ils arrivent peut-être à comprendre que le fait de dénoncer la réalité, c’est une façon de rendre meilleur son pays, ce n’est pas une façon de l’offenser et de se révolter contre lui.

RFI : La production nigerienne Koukan Kourcia, Le Cri de la tourterelle a choisi la forme de la légende pour évoquer le drame de l’exil. Le réalisateur Sani Elhadji Magori suit des Nigériens poussées à l’exil il y a 20 ans par les chants de la chamane Hussey, cantatrice adulée. Cela permet un autre regard sur ce pays ?
 

T.C. : Oui. C’est doux. Au fonds, il y a toujours la diaspora des hommes du Niger. C’est un pays qui oblige ses hommes à quitter leurs familles pour trouver du travail ailleurs, notamment au Burkina Faso, au Ghana et en Côte d’Ivoire. Il y a quelque part une dénonciation précise, mais encore une fois, c’est la légende qui la rend plus douce, ce n’est pas la nécessité qui a fait partir ces hommes.

C’est le chant de la chamane qui leur a dit d’aller chercher de la nourriture, de partir. Et c’est encore une fois à travers de ce phénomène magique que la chamane va chanter la chanson pour leur retour. C’est inscrit dans la tradition que cela soit triste, que cela soit dure, cela fait partie de la tradition. Une force étrange, aliénée, qui oblige à faire des choses. Cet esprit du chant de la Tourterelle va très loin.

 

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