Parmi les plus anciennes communautés chrétiennes du monde, les Coptes dont le nom signifie égyptien en grec, représentent environ 10% des quelque 80 millions d’habitants du pays. Une minorité qui s’estime discriminée de longue date. Copte elle-même, Mona Makram Ebeid est ancienne députée. Elle précise que « beaucoup de postes administratifs sont fermés aux Coptes comme ceux de présidents d’université ou de gouverneurs jusqu’à récemment. Une portion congrue des postes politiques leur est réservée, et au Parlement, ils sont une toute petite minorité ». Concrètement, sur les quelque 500 députés, seule une dizaine sont chrétiens dont sept choisis directement par le président Hosni Moubarak.
Régulièrement, des attaques se sont produites ces dernières années contre des chrétiens ou leurs lieux de culte. Mais aucune n’avait atteint l’ampleur de l’attentat d’Alexandrie. Dans ce contexte de violence, Mona Makram Ebeid souligne que « les Coptes se sentent marginalisés. Ils ont des problèmes et le gouvernement ne se décide pas à les résoudre. Au niveau de la population, il existe en revanche une très forte solidarité entre chrétiens et musulmans. Il faut en fait une volonté politique pour apaiser les craintes des chrétiens ».
Sur le plan religieux, les plus hautes autorités musulmanes ont condamné l’attentat. L’imam de la mosquée Al-Azhar du Caire a estimé que cet attentat était dirigé contre l’ensemble des Egyptiens. Mais pour Samer Soliman, professeur de sciences politiques à l'université américaine du Caire, « les fondamentalistes musulmans pratiquent la discrimination à l’égard des chrétiens. Cela commence par la volonté de les isoler, de ne pas les saluer, ne pas leur dire bonjour. On a ensuite les attaques symboliques contre leur religion pour aboutir enfin aux attaques contre leurs églises et leurs propriétés. C’est pour cette raison que je ne suis pas surpris par l’attentat d’Alexandrie ».
Une société minée par les discriminations
Les chrétiens ne sont pas les seuls à subir des discriminations en Egypte. En dépit d’une forte croissance économique ces dernières années, plus de la moitié de la population égyptienne vit avec moins de deux dollars par jour, comme le précise l’économiste Samer Soliman.
Dans le domaine religieux, la principale discrimination réside dans la construction des lieux de culte. L’érection d’une église doit faire l’objet d’autorisations, ce qui n’est pas le cas pour la construction d’une mosquée. Mona Makram Ebeid dénonce « l’absence d’unification de la loi en ce domaine. Il y a un projet en ce sens dans les tiroirs du Parlement depuis vingt ans, mais la loi n’a toujours pas vu le jour ».
En novembre dernier, plusieurs dizaines de chrétiens ont d’ailleurs été arrêtés. Ils protestaient contre l’arrêt d’un chantier de construction d’une église. Il faut dire que les Coptes, comme leurs concitoyens musulmans, vivent dans un régime autoritaire. Et l’attentat d’Alexandrie pourrait renforcer cette tendance selon Stéphanie David. Elle est la représentante de la Fédération internationale des droits de l’homme au Caire.
Un système politique figé
Une élection présidentielle est prévue en 2011. Trente ans après son arrivée au pouvoir, Hosni Moubarak n’a toujours pas indiqué s’il comptait briguer un nouveau mandat. Des rumeurs persistantes évoquent une candidature de son fils, l’homme d’affaires Gamal Moubarak. Mais quel que soit le candidat que choisira le Parti national démocratique, l’ouverture politique n’est pas à l’ordre du jour. Pour Samer Soliman, « le seul espoir réside dans une montée en puissance des forces laïques, libérales et de gauche. Mais tant que le pouvoir reste fort et que l’opposition est dominée par les islamistes, je crois qu’il n’y a pas d’espoir ».
Les Coptes devront donc probablement devoir encore attendre avant d’être considérés comme des citoyens à part entière. Et après l’attentat d’Alexandrie, ils pourraient être tentés, à l’image de leurs coreligionnaires d’Irak, de prendre la voie de l’exil.