Si le communiqué de la réunion d’Abuja publié le 4 janvier fait état d’avancées dans les négociations, elles restent timides. Et dans les faits, aucun accord n’a été trouvé. La médiation menée par les présidents du Bénin, du Cap-Vert et de Sierra Leone à l’issue de leurs rencontres successives avec Laurent Gbagbo puis ensuite Alassane Ouattara piétine plutôt.
Jonathan Goodluck, le président en exercice de la Cédéao reconnaît implicitement que rien n’a évolué dans un camp comme dans l’autre. Laurent Gbagbo n’admet pas sa défaite à la présidentielle, et Alassane Ouattara, lui, ne veut rien négocier, estimant que le temps des palabres est terminé.
Il n’empêche que pour les émissaires de la Cédéao, le dialogue reste encore l’option principale. Contrairement à ce qui avait été annoncé le 24 décembre dernier lors du deuxième sommet extraordinaire des chefs d’Etat, l’intervention militaire en Côte d’Ivoire n’est donc pas à l’ordre du jour. Preuve de dissensions au plus haut sommet ou recul de l’organisation régionale, le chef de l’Etat nigérian, Goodluck Jonathan, président en exercice de la Cédéao ne s’en est pas caché : la crise ivoirienne est dans l’impasse, a-t-il déclaré mardi.
Il faut dire que la question du recours à la force divise. Alors que certains pays sont enclins à déloger le président sortant Laurent Gbagbo du pouvoir par la force, la majorité des chefs d’Etat de la Cédéao y est plus réticente pour des raisons logistiques mais aussi parce que cela risque de déstabiliser toute la sous-région.
Dans une interview exclusive accordée à RFI, Madické Niang, ministre sénégalais des Affaires étrangères met en garde contre les conséquences possibles de cette crise sur la démocratie en Afrique. « La diplomatie sénégalaise s'inscrit pleinement dans les actions de la Cédéao, de l’Union Africaine et de l’ONU. Il faut sortir de cette crise, affirme-t-il, il y va de la crédibilité de l'Afrique ». Le Sénégal est en faveur d'une ligne dure vis-à-vis de Laurent Gbagbo, aux côtés notamment du Nigeria.
Quoiqu'il en soit, une nouvelle médiation africaine doit se rendre à Abidjan, mais la date n'a pas encore été fixée.
Et alors que l'option militaire est toujours dans les cartons de la Cédéao, la France a précisé qu'elle ne s'y joindrait pas. Les 900 soldats français de la Force Licorne « n'ont pas vocation à s'ingérer dans les affaires intérieures du pays », a déclaré Nicolas Sarkozy lors de ses voeux aux armées à Saint Dizié en Haute Marne. « Ce qui se joue en Côte d'Ivoire concerne l'Afrique entière », a ajouté le président français qui a renouvelé son soutien à Alassane Ouattara.
Pas de partage du pouvoir pour Washington
Pour sa part, Raila Odinga, l'envoyé par l'UA, estime qu'une solution de la crise ivoirienne impliquant un partage du pouvoir « à la kenyanne», n'est pas envisageable. Un point de vue partagé par les Etats-Unis.
Le porte-parole de la diplomatie américaine Philip Crowley a déclaré qu' « Il est important, pour la démocratie, la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest que le président Gbagbo cède le pouvoir pacifiquement. Toute résolution concernant la situation actuelle doit commencer par évoquer la reconnaissance internationale de la victoire d'Alassane Ouattara à l'élection de novembre. Jusqu'à présent, le président Gbagbo a refusé de reconnaître cette victoire. Aucune solution ne peut inclure un partage du pouvoir entre le président élu Ouattara et l'ancien président Gbagbo. Les résultats de l'élection sont clairs. Personne ne les conteste, à part le président Gbagbo. Nous pensons que pour l'avenir de ce pays, c'est le meilleur résultat pour la Côte d'Ivoire».
Les autorités américaines se disent prêtes par ailleurs à discuter de la possibilité d'accueillir Laurent Gbagbo aux Etats Unis s'il accepte de quitter le pouvoir.
Sur le terrain, à Abidjan, un militant du PDCI, le parti démocratique de Côte d'Ivoire -qui soutient Alassane Ouattara- a été tué le 4 janvier, au cours d'une perquisition des forces de l'ordre -loyales à Laurent Gabgbo- qui a mal tourné au siège du parti qui est aussi le siège de la coalition pro-Ouattara. Le gouvernement de Laurent Gabgbo l'a annoncé lui même via la RTI la télévision d'Etat. Selon le ministère de l'Intérieur, ce militant, armé d'un couteau, aurait tenté d'agresser les policiers. Information démentie par un responsable du PDCI qui affirme que les policiers ont « défoncé toutes les portes » avant de tirer.