« On avait un arrangement merdique », estime Richard. Plusieurs fois, sa société a essayé d'établir des projets de convention avec le gouvernement nigérien pour assurer la sécurité des employés sur les zones à risque... « Ça n'a jamais abouti, ils nous ont un peu baladés », concède Richard. Son entreprise a bien les autorisations administratives pour travailler sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, mais aucun accord-cadre pour la protection militaire des salariés - contrairement à Areva, qui en a signé un avec le gouvernement en 2008.
Arrangement avec le préfet
Du coup, pour pouvoir « aller partout », par exemple à Arlit, à 1200 kilomètres au nord de la capitale Niamey, une zone réputée dangereuse, sa société s'arrange directement avec le préfet. A défaut de compter sur les FAN, les Forces armées nationales, le préfet met à leur disposition des hommes du contingent militaire régional : les FNIS, Forces nationales d'intervention et de sécurité.
L'entreprise doit les nourrir, et bien sûr les payer : 20 000 dollars par mois, un quart du budget total de la mission. « On nous donnait un reçu de la part du gouverneur », ajoute Richard, qui précise le but de la manœuvre : « les statuts de l'entreprise ne nous permettent pas de payer directement l'armée, pour éviter de participer à des processus de corruption. » Un prix forfaitaire en échange duquel vingt militaires en armes équipés de quatre ou cinq camions escortent la dizaine d'employés qui travaille sur le terrain. « Ça se passait bien, se souvient Richard, c'était convivial avec le bataillon. » Chaque soir, les militaires dorment sur place pour garder le matériel, mais les salariés, eux, sont obligés de rentrer dans la ville plus sûre d'Agadez, au centre du pays.
« Ça aurait aussi pu nous arriver »
Des dispositions plus drastiques que pour le site d'Areva, « mais la situation est différente », précise Richard, qui rappelle que les installations du groupe français sont fixes, sur un territoire bien délimité, et gardées en permanence par les forces armées nigériennes. Richard précise aussi que la force de sécurité civile mise en place par Areva n'est pas armée, ce qu'il n'estime « pas normal, sachant que les assaillants potentiels peuvent avoir des kalachnikovs... »
Richard ne cherche pourtant pas à accabler Areva, dont le dispositif de sécurité est sous le feu de critiques virulentes depuis la prise d'otage. « Ça aurait aussi pu nous arriver », reconnait-il. « Le problème, c'est qu'il est très difficile de négocier avec les gens du QG des armées. Il n'y a pas de système standard, que des arrangements, on ne peut pas travailler comme ça ! » Richard ne se réjouit pas de la prise d'otages, mais espère qu'elle va au moins servir d'aiguillon pour les autorités du Niger. « Le moment est venu pour le gouvernement de prendre le taureau par les cornes. C'est lui qui a la responsabilité d'assurer la sécurité là où il délivre des permis. Aujourd'hui il nous restreint, il nous dit de ne pas y aller. Mais ils doivent arranger la situation et sécuriser les sites. »