Issa Hayatou : «Le football africain a atteint la maturité»

Le Président de la Confédération Africaine de football, le Camerounais Issa Hayatou, s’est félicité d'une belle année 2010 lors d’un entretien accordé à RFI à Tunis. Même s’il reconnaît quelques imperfections, il estime que le football africain a atteint la maturité et fait du rayonnement de la CAN le prochain grand défi du continent.

propos recueillis à Tunis par Christophe Carmarans et Christophe Jousset

Président, le Tout Puissant Mazembe vient de remporter sa deuxième Ligue des  champions consécutive. Est-ce un beau champion d’Afrique et un exemple à suivre pour les clubs africains ?
Oui c’est une belle année mais on ne peut pas dire que c’est un beau championnat seulement en raison du 5-0 du match aller de la finale face à l’Espérance de Tunis. Leur fin de parcours reflète leur valeur depuis deux ans. A quelques incidents près tout s’est bien passé dans cette Ligue des champions 2010. Et nous sommes fiers d’avoir un beau champion. Cinq-zéro à l’aller, c’est presque inédit (Ndlr en 1968, TP Mazembe avait battu Etoile Filante de Lomé 5-0 au match aller de la finale). C’est un peu surprenant mais ce sont des choses qui arrivent en football.

Le fait que Mazembe revienne au premier plan plus de quarante ans après son premier doublé, qu’est-ce que cela vous inspire ?
L’analyse est simple: cela veut dire que d’autres équipes ne se sont pas endormies, ont travaillé dans l’intervalle. D’autres ont émergé à la place de Mazembe après la fin des années soixante. Le succès de Mazembe aujourd’hui ne doit pas surprendre car ils ont la chance d’avoir comme président un nanti qui aime le sport : le président de la province du Katanga (Ndlr Moïse Katumbi) qui met beaucoup de moyens dans le recrutement des joueurs. Je ne parle pas de la formation car je ne sais pas si le TP Mazembe forme beaucoup de joueurs. Mais il est à l’affût de tous les grands joueurs africains, ce qui lui a permis de bâtir cette équipe depuis bientôt deux ans. Ils ont traversé toutes les étapes : ils ont éliminé Al-Ahly, la JS Kabylie, des grands ténors d’Afrique. Il n’y a pas de hasard. C’est le fruit du travail. Il faut le reconnaître et dire « chapeau » à Monsieur Moïse d’avoir donné son temps et son argent pour former cette équipe.

L’année 2010 était l’année du football africain. Quel bilan en tirez-vous alors que l’année touche à sa fin ?
Forcément je me permettrais d’associer la Coupe du monde à ce bilan car elle s’est déroulée sur notre continent. Vous vous souvenez de tout le scepticisme qui entourait cette Coupe du monde avant même qu’elle n’ait lieu. Finalement, la Coupe du monde s’est déroulée comme il se doit, dans une très bonne ambiance. Même si tout n’a pas été parfait à cent pour cent, les opérations se sont déroulées sans heurt. L’Afrique du Sud a présenté des infrastructures sportives qu’on ne trouve pratiquement pas dans les autres pays. L’Afrique du Sud a fait remplir les stades. Tout le monde imaginait que l’organisation allait capoter, surtout après l’élimination des Bafana-Bafana mais il n’en a rien été. Les gens se sont mobilisés. Ils ont honoré l’événement et tout s’est déroulé dans de très bonnes conditions. Nous pouvons donc dire que cette Coupe du monde a honoré notre continent et a contribué à faire disparaître les préjugés que l’on a toujours envers nous. Quand on parle de l’Afrique, il y a toujours des préjugés défavorables. Mais cette Coupe du monde a démontré le contraire. Et au-delà de cette Coupe du monde, il y a des compétitions telles que la Ligue des champions, les éliminatoires de la CAN, les juniors, la CAN féminine qui font dire que le football africain a atteint un niveau de maturité qui honore le monde. Donc nous sommes fiers.

En revanche, il a aussi connu des heures sombres avec les événements de Cabinda qui ont entaché la CAN 2010…
Vous êtes tout le temps en train de revenir sur cette question ! Je veux bien revenir sur l’histoire dans l’histoire mais il faut établir les responsabilités. Je ne sais pas en quoi la Confédération Africaine de Football est responsable de ce qui s’est passé. On a essayé de mettre ça sur le dos de la CAF mais la CAF n’a jamais demandé à l’équipe nationale du Togo de partir au Congo ! Et du Congo de partir à Cabinda ! Il n’y avait pas que le Togo à Cabinda. Il y avait trois autres formations : la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Burkina. Toutes les équipes qui se sont conformées au règlement de la CAF se sont rendues à Cabinda. La compétition s’est déroulée dans de bonnes conditions, il n’y a pas eu le moindre problème. Mais l’équipe nationale du Togo – sans doute par ignorance – a voulu prendre le car pour aller à Cabinda dans une région qui n’est pas sûre. Où est la responsabilité de la CAF là-dedans ? Nous regrettons ce qui s’est passé. Quand il y a des pertes humaines, ce n’est pas une bonne chose, que ce soit pour les victimes, leurs familles, le continent africain et même le monde entier. Une fois que nous avons dépêché notre délégation sur place, j’ai été surpris d’apprendre ce que j’ai appris mais, en tant que président de la Confédération Africaine, j’ai assumé. On m’a critiqué, on m’a vilipendé, on a organisé des marches contre moi comme si c’était moi qui avais forcé l’équipe du Togo de se rendre à Cabinda par la route !

Les critiques ont surtout trouvé que la CAF avait eu la main lourde envers le Togo…..
Ecoutez, le litige est rentré dans l’ordre. On a rétabli les choses, nous avons levé la suspension du Togo. Mais elle était fondée ! Nous n’avons fait que nous appuyer sur le règlement pour pouvoir prendre ces décisions. Nous sommes une organisation qui s’appuie sur un règlement. On ne peut pas faire prévaloir les sentiments. Plus tard, la partie togolaise a d’ailleurs reconnu ses torts. Mais ce que vous dites est vrai : ces incidents ont entaché l’année.

Il reste la situation individuelle du gardien togolais Kodjovi Obilale. La FIFA a annoncé récemment qu’elle allait l’indemniser à hauteur de 100.000 dollars mais le joueur s’est plaint que la CAF ne se soit pas occupée de lui…
Vous trouvez qu’il y a une différence entre la CAF et la FIFA ? Je suis membre de la commission des finances de la FIFA. J’étais là quand on a donné l’argent. J’ai plaidé pour qu’on lui donne cet argent. Pourquoi veut-il faire la différence entre la CAF et la FIFA ? C’est la même maison !

Les 100.000 dollars viennent de la CAF ?
Bien sûr ! Cela vient du football ! Je suis membre de la Commission des finances et vice-président de la FIFA. A ce titre, j’ai assisté à la décision qui a été prise. Nous avons participé, c’est la même maison ! C’est la FIFA qui nous finance aussi. Je ne vois pas où est le problème.

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