Au coup de sifflet final, il a éclaté en sanglots dans sa surface de réparation. Maître de ses émotions durant les 120 minutes de la finale et, pour tout dire, depuis le début de la Coupe du monde, Iker Casillas a craqué. Après tant de tension accumulée, les nerfs ont lâché. Logique et compréhensible après 433 minutes sans encaisser le moindre but, nouveau record dans une phase finale. Reconnaissants, ses coéquipiers de la Roja sont alors venus le congratuler un à un sur le gazon du Soccer City Stadium et les longues étreintes ont fait revenir à lui le portier du Real Madrid : il était bien champion du monde !
Comme à l'Euro
Souvent lâchée par ses gardiens par le passé dans les grandes compétitions, les noms de Luis Arconada et d’Andoni Zubizarreta viennent en premier à l’esprit, l’Espagne doit une fière chandelle au Madrilène dans cette Coupe du monde. Cela avait déjà été le cas à l’Euro 2008, un Euro austro-suisse durant lequel, déjà, le gardien espagnol, avait gardé sa cage inviolée durant toute la deuxième phase.
Dès le début d’une finale aussi tendue et violente qu’un Clasico Real-Barça, on l’a senti très sûr dans ses prises de balles. Alors que la plupart de ses collègues ont appréhendé le Jabulani comme une patate chaude durant tout le Mondial, Casillas n’a relâché aucun ballon dimanche soir à Johannesburg. Lors de sa première intervention sur un coup franc frappé par Wesley Sneijder à la 18e mn, il a capté la balle avec assurance, geste répété six minutes plus tard sur un nouveau coup franc de Sneijder.
Et quand à la 33e mn on le vit s’envoler dans une cabriole après un choc avec son coéquipier Carles Puyol, l’image de Fabien Barthez percutant Ronaldo lors de la finale 1998 au Stade de France refit surface. Puis vint la grosse frayeur de la 34e mn, ce long ballon de John Heitinga qui lui passa au-dessus de la tête mais heureusement à côté du but après un rebond inattendu. En voulant rendre le ballon aux Espagnols dans un rare geste de fair-play, le Néerlandais avait failli marquer ! Ce grand frisson était vite dissipé par cette main ferme sur le dernier tir de la première mi-temps, signé Arjen Robben (45e + 1). C’était la première passe d’arme de la rencontre entre les deux anciens coéquipiers au Real. Les deux autres duels appartiennent déjà à l’histoire et feront couler beaucoup d’encre cette semaine à Madrid, beaucoup de larmes à Amsterdam.
Echec et mat sur Robben
Après une longue ouverture de Sneijder, le N.11 des Oranje se présentait seul face à lui dans la surface et frappait plat du pied du gauche, le geste qu’il fallait faire. Parti du mauvais côté, Casillas était battu mais parvenait dans un ultime réflexe à tendre son pied droit à la manière d’un gardien de hockey. Arrêt décisif ! En général, ce type d’occasion de se présente pas deux fois dans une finale mais Robben se voyait offrir une seconde chance.
Sur un long dégagement, Mark Van Bommel déviait de la tête pour le gaucher du Bayern qui débordait Puyol et pénétrait dans la surface. Légèrement déséqulibré par l'arrière du Barça, Robben tentait alors un crochet pour s’ouvrir un angle de tir mais Casillas lui plongeait dans les pieds (80e). Si les Pays-Bas avaient marqué à cet instant-là, c’en était fini des chances espagnoles. Mais le capitaine de la sélection veillait. La victoire n’avait pas encore choisi son camp mais le scénario commençait nettement à se profiler. Andres Iniesta allait en écrire les dernières lignes tout à la fin de la prolongation
Il ne restait plus alors qu’à canoniser « San Iker » (NDR Saint Iker en espagnol), ce qui fut fait à l’issue du match. Désigné « gant d’or » du Mondial (meilleur gardien), il succède à Fabien Barthez, Oliver Kahn et Gianluigi Buffon au Panthéon des portiers. A 29 ans et déjà 111 sélections, Casillas peut désormais briguer deux autres records: celui d’invincibilité absolue détenu conjointement par les Suisses Pascal Zuberbühler et Diego Benaglio avec 559 mn de virginité à cheval sur deux Coupes du monde. Et celui, jugé inaccessible, de Lothar Matthäus : vingt-cinq matchs disputés en phase finale. Casillas en est à quinze. Il lui reste du chemin à faire, mais il est dans les temps.