Jean-Michel Bénezet : « Le Ghana, un exemple pour l'Afrique »

Jean-Michel Bénezet, directeur technique à la Fifa, connaît bien le football africain, avec lequel il travaille depuis 1988. Pour lui, la performance du Ghana en Afrique du Sud n’est pas une surprise. Les Black Stars ont su donner du temps à leur sélectionneur et amalgamer jeunes et anciens depuis la dernière CAN.

De notre envoyé spécial à Johannesburg,

Un seul pays africain au deuxième tour sur six équipes engagées. Cela vous a-t-il surpris ?


Oui et non. Je m’attendais à une deuxième équipe africaine qualifiée. Je suis particulièrement déçu par le Nigeria, car il avait un groupe relativement aisé vu son niveau. L’Afrique du Sud finit avec quatre points, c’est important. Elle n’est éliminée que pour un but dont on pourrait parler… Le Cameroun se trouve dans une période de transition délicate, où la génération de Rigobert Song termine et une nouvelle arrive. L’Algérie a produit un excellent football. Il faut savoir où elle était il y a quatre ans. Cette équipe a obtenu une double qualification CAN/Mondial et a donné une bonne image du football algérien ici, même si elle a un problème d’efficacité offensive. 

« Le Ghana a su intelligemment intégrer une bonne génération »

Et la Côte d’Ivoire ?…
Elle est tombée sur un groupe difficile, avec le Portugal et le Brésil, et finit avec quatre points. Ce n’est pas mal. Le problème de la Côte d’Ivoire est la Drogba-dépendance. Quand Didier est un petit peu moins bien, cela se ressent dans l’équipe. Je ne suis donc pas pessimiste par rapport à ces résultats africains. La Coupe du monde n’est pas la CAN, c’est le très haut niveau.

Il reste donc le Ghana en course…
Avant le début de la compétition, j’avais parlé du Ghana. J’étais à la CAN en Angola, et là-bas, pour le sélectionneur Milovan Rajevac, à quelque chose malheur a été bon. Il avait perdu quelques grands joueurs et a été obligé de puiser dans une génération championne du monde des moins de 20 ans. Cette CAN a permis de mélanger anciens et jeunes, et en Afrique ce n’est pas facile car les premiers n’acceptent pas toujours les seconds. Cela leur a donné de l’expérience. De plus, avec les bons résultats en CAN [le Ghana est finaliste, ndlr], les jeunes ont été acceptés. Avec le retour d’un ou deux anciens, comme John Mensah, cette équipe peut avoir d’excellents résultats. Le Ghana est donc un exemple pour les autres. Il a su intelligemment intégrer une bonne génération.

« Il serait temps d’ouvrir la porte aux entraîneurs africains »

Milovan Rajevac bénéficie d’une stabilité en travaillant depuis deux ans. Est-ce un atout ?

Quand on regarde les hommes qui gèrent les sélections africaines, à l’exception de Rajevac et de Rabah Saadane, en Algérie, tous les autres sont des entraîneurs parachutés. Ils ont des qualités, mais comment voulez-vous arriver trois mois avant une Coupe du monde, sans connaître l’équipe, à l’image de Sven-Göran Eriksson en Côte d’Ivoire ? Au Cameroun, Paul Le Guen est arrivé à la fin des qualifications, sans connaître les mentalités. C’est une des leçons à tirer pour les techniciens : il faut de la continuité. Faisons confiance aux gens et laissons-leur du temps pour travailler.

Faut-il aussi puiser dans les ressources techniques des pays africains ?
Oui, maintenant qu’on a lancé le processus de la licence d’entraîneur en Afrique, qui a le même niveau que la licence UEFA, il serait temps d’ouvrir la porte aux entraîneurs africains. Il y a des entraîneurs de qualité en Afrique, mais quand on leur donne des responsabilités, il faut les leur donner totalement et ne pas les mettre sous contrôle. Quand un entraîneur étranger vient, on lui laisse l’équipe, on lui laisse tous les moyens. Donnons la responsabilité à un entraîneur africain et laissons-lui les clés de la maison. Dans une compétition comme la Coupe du monde, il ne s’agit pas d’entraîner mais de manager une équipe. Il faut connaître la culture, savoir comment toucher les joueurs sur le plan de l’émotion. C’est pour cela que je suis pour laisser la porte ouverte aux entraîneurs locaux.
 

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