La honte noire : «Die schwarze Schande»

Avant même le début de la Première Guerre mondiale, la perspective d’un engagement de troupes noires sur le continent provoque l’indignation en Allemagne. Durant le conflit, la propagande allemande prend à témoin l’opinion publique internationale, les États-Unis notamment, de l’ignominie de la «souillure» du sol européen par des soldats de couleurs.

Le récit, en Allemagne, des «atrocités» commises par les troupes africaines s’amplifie lors de l’occupation de la Rhénanie en 1919. L’Allemagne, « humiliée » par le traité de Versailles, voit dans la présence de ces soldats une mesure dégradante supplémentaire.
Une propagande malsaine se déploie, die schwarze Schande, animalisant le tirailleur, insistant sur la cruauté et l’anthropophagie des Noirs, stigmatisant des viols prétendument commis par les troupes indigènes.

Le Commissariat général des troupes noires, chargé depuis le 11 octobre 1918 de la tutelle morale et matérielle des troupes noires en service en Europe, fait procéder en Rhénanie, en février, juin et septembre 1921, à des enquêtes. Ces enquêtes démontrent le caractère totalement infondé de ces diverses accusations.
 

Le thème de la «honte noire» laisse des traces dans l’opinion allemande et Hitler le réutilise pour dénoncer la «dégermanisation, la négrification et la judaïsation» du sang allemand par la volonté de la France.

Le gouvernement allemand ira jusqu'à émettre une protestation officielle, via les autorités suisses : «la mise en place de troupes de couleur en territoire allemand est une insulte au sentiment de la communauté de la race blanche. Ce sentiment devrait aussi animer nos adversaires qui ont déclaré vouloir fonder une Société des nations» (L'épopée des tirailleurs sénégalais. Eugène-Jean Duval. Editions L'Harmattan)

Le massacre des Sénégalais à Cressensacq, Chasselay et Montluzin en 1940 trouve son origine directe dans cette propagande. Les Sénégalais faits prisonniers en 1940 sont laissés dans des camps implantés en France (Frontstalag) pour éviter le contact entre Africains et Allemands.

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