Le foyer du tirailleur

Dans l’Entre-deux-guerres, les tirailleurs africains et malgaches tiennent garnison en France pour la première fois de leur histoire. Stationnés essentiellement dans le sud et le sud-ouest du pays, ils enrichissent la vie locale des garnisons et bousculent des habitudes établies anciennement par l’irruption de phénomènes nouveaux et néanmoins appréciés de la population, comme les défilés des noubas, les musiques militaires africaines…

Un autre aspect de la vie de garnison se transforme également pour s’adapter à ces «soldats de la plus grande France», avec la création de foyers du tirailleur. «Ne s’y trouvant pas dans son élément», le tirailleur indigène fréquente rarement les «foyers du soldat de garnison» destinés aux métropolitains et préfère sortir en ville dans les «établissements de débits et d’attractions».
En mai 1926, alors qu’il sert à la compagnie de dépôt du 16e régiment de tirailleurs sénégalais, stationnée à Montauban, le sous-lieutenant indigène N’Tchoréré plaide pour l’organisation d’un «foyer du soldat et du tirailleur». Le tirailleur y «trouverait à un meilleur prix, la meilleure qualité des friandises qu’il paie si cher en ville : sucreries, petits pains, gâteaux» ainsi que « certaines boissons dont la consommation lui est tolérée, thé, limonade, bière, cidre».

Avec un décor spécifique («vues d’AOF, d’AEF, de Madagascar, vues sur la vie domestique, agricole et industrielle de France»), en proposant également des distractions («phonographe, papier à lettre, encriers, ardoises») et des jeux («ballons, jeux de quilles, jeux de dames, jeu de grenouille»), le foyer éloignerait en outre le tirailleur des «établissements d’attractions» où il pourrait faire l’objet des «menées néfastes auxquelles se livrent certains agents secrets auprès des militaires indigènes».

Le sous-lieutenant N’Tchoréré propose également la création d’une salle de réunion spécifique pour les sous-officiers indigènes en vue de «les aider à se détacher progressivement du milieu tirailleur au contact duquel pendant les récréations ils perdent facilement de leur prestige, notamment dans le jeu», et de leur «inculquer le goût du travail intellectuel et l’amour de la lecture» avec la mise à disposition de manuels de grammaire ou d’arithmétique, sans oublier les «jeux de dames, de lotos et de dominos».

Grâce notamment à l’aide financière du comité d’assistance aux troupes noires, cette politique sociale en faveur des tirailleurs se met en place dans «les régiments sénégalais et malgaches de France et du Maroc notamment».

Partager :