Instagram: des photos qui rapportent

Le réseau social de partage de photos Instagram est le chouchou des ados, mais il est aussi devenu le nouveau laboratoire des marques en manque de visibilité. Décidément, le marché de la photo n’en finit pas d’être bousculé par les smartphones, et Facebook en rachetant très cher une «simple idée» a fait une sérieuse affaire qui fait saliver d’envie les nouveaux marchés publicitaires.

Un article sur le site américain du magazine Vice résume la vague de fond qui déferle en ce moment sur le marché de la photographie. On y apprend que bien souvent le photographe américain Ivan Kashinsky laisse de côté ses gros appareils professionnels pour ne travailler qu’avec son iPhone. Selon lui, ce serait même une excellente piste pour le futur du photojournalisme. Les résultats de son dorénavant collectif de photographes sont consultables en ligne et peuvent faire pâlir d’envie les professionnels au reflex tendance poids-lourds.

300 millions d’inscrits sur Instagram

Car la photo, qui se passe maintenant très souvent du format papier mais ne peut vivre sans être partagée, est devenue une norme sociale, voire une obligation (l’hystérie selfie en est le symptôme flagrant). L’idée derrière la société Instagram symbolise la réussite d’un  modèle économique entièrement basé sur le partage de la photo. Lors de son rachat à grand coup de milliards, Facebook semblait être économiquement fou. Il n’en est rien, car avec 300 millions d’inscrits, Instagram vient de dépasser Twitter, et les promesses de revenus en 2020 sont éloquentes.

Désormais, les acteurs principaux des nouvelles technologies surfent tous sur cette « mode », ce nouveau réflexe de vie très visuelle. Twitter bien sûr (photo et vidéo) ; Google possède son service qui classe les photos pour vous, et les offres de logiciels comme Adobe surfent sur la mobilité pour conserver leur marché de photographes « classiques ». Ce sont même les boitiers eux-mêmes, les nouveaux appareils reflex pro, comme chez Olympus, qui offrent la possibilité via wifi de récupérer sa photo sur sa tablette ou iphone pour ensuite la partager. Décidemment !

Le choix de « développer » leurs photos

Instagram, ce fut avant tout une histoire de filtres… Des photos sépia ou au format polaroïd qui ont surpris et enthousiasmées les jeunes générations et qui ont poussé les amateurs à acquérir des réflexes de pro en leur offrant le choix de « développer » leurs photos (un goût visuel à la sauce hipster). Depuis, Google avec son application Snapseed, mais aussi Lightroom mobile (dans la catégorie pro) se sont engouffrés dans les applications de retouche photos. Apple promet une refonte de son gestionnaire iPhotos et propose déjà des outils de retouche conséquents.

Le marché devient tellement exponentiel que ces nouveaux acteurs photographes amateurs (déjà influenceurs ?) se font démarcher par les marques qui profitent de leurs nombreux abonnés, en gros leur carnet d’adresse. C’est le constat de Franck Jamet, fondateur avec Séverine Bourlet de la Vallée de la première agence française créatrice d’expériences visuelles sur Instagram Tribegram Lab : « On constate une démocratisation de la photo. L’usage du smartphone se généralise. Avec un changement de comportement qui est un changement de paradigme : la photo ne s'adresse plus uniquement à un cercle restreint mais au monde. » Avec les bouleversements qui vont avec : « le photographe amateur peut être plébiscité par le public. » Et comme c’est bien connu « Vous allez plus acheter un produit que quelqu’un vous recommande. Le marketing devient crowdsourcing. » (externalisation ouverte).

« La photo devient support de conversation »

Franck Jamet explique : « Les photos qui engagent le plus sont les photos sans filtre sur Instagram. Ce qui compte c’est l’instantané. Une image incite plus à l'engagement que du texte, et la photo devient ainsi support de conversation. » Et des conversations sont le fondement des réseaux sociaux. « On fait en quelque sorte, selon Franck Jamet, du tourisme du quotidien. On devient des agents photographiques. Seule la qualité de regard fait la différence. » Maintenant, les marques organisent des campagnes pour faire du pictural marketing (marketing visuel) positionné sur les réseaux sociaux. On crée de la valeur par l’image. Netflix a même inventé les grammasters : des amateurs qui deviennent pro ou semi pro. « On recense sans doute un millier d’instagrammers qui vivent de leurs photos. » Ce sont l’équivalent des blogueurs ou YouTubeurs. « En France on en compte encore qu’un ou deux », sourit Franck Jamet. Le marché est tout juste en développement...

 

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