La publication des documents fournis par Edward Snowden par le Guardian a-t-elle mise en péril la sécurité nationale ? Le rédacteur en chef du quotidien britannique, Alan Rusbridger, s’est défendu du contraire, mardi, devant une commission parlementaire. « Cette affaire peut être politiquement embarrassante, mais il n’y a rien ici qui représente un risque pour la sécurité nationale », a t-il lancé.
Dévoilant l’ampleur de systèmes de surveillance aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la révélation des informations fournies par l’ex-consultant de l’Agence nationale de renseignement américaine (NSA) avait provoqué l’ire de Washington et l’embarras de Londres.
En octobre, le Premier ministre David Cameron avait déclaré la publication de ces documents secrets avaient porté atteinte à la « sécurité nationale ». Auditionnés début novembre, les trois patrons des agences de renseignement britanniques avaient surrenchéri en affirmant que les fuites d’Edward Snowden avaient ravi le réseau Al-Qaïda.
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Lors de son audition, retransmise en direct à la télévision, Alan Rusbridger a également déclaré que le Guardian avait été victime de pressions et d’intimidations concertées dans le but d’empêcher la publication d’articles qu’il considère d’intérêt public. « The Guardian ne se laissera pas intimider, mais ne se comportera pas non plus de manière impudente », a-t-il rappelé. En août, le quotidien avait affirmé avoir été contraint, sous pression du gouvernement britannique, de détruire deux disques durs contenant des informations obtenues par Edward Snowden.
Pour lui, « il est important de garder à l’esprit que les rédacteurs en chef des journaux probablement les plus importants aux Etats-Unis, le Washington Post et le New York Times, ont pris des décisions quasiment identiques ». Surpris par une question du président de la commission Keith Vaz lui demandant s’il aimait son pays, Alan Rusbridger a rétorqué : « Nous sommes patriotes, et l’une des choses qui fait que l’on est patriotes est la démocratie et la liberté de la presse. »
Liberté de la presse vs sécurité nationale
Pour défendre la liberté de la presse, Alan Rusbridger peut compter sur le soutien de certains de ses confrères. Car cette question du président de la commission a provoqué de nombreuses réactions au sein de plusieurs médias britanniques et européens, ainsi que sur les réseaux sociaux. Une lettre ouverte de soutien au journal, diffusée dans la soirée sur le compte Twitter d’Alan Rusbridger, a été signée par près de treize médias (le Washington Post, Newspapers, le New York Times, The New Yorker, etc.).
La veille de son audition, le rédacteur en chef du quotidien a publié « une lettre très sympa » de Carl Bernstein, le journaliste américain ayant contribué à la révélation du scandale du Watergate. D’après ce dernier, l’audition d’Alan Rusbridger apparaît comme « une tentative des plus hautes autorités britanniques de déplacer le problème » mis en lumière par Edward Snowden pour dénoncer « l’attitude de la presse ». Le journaliste Glenn Greenwald, à l’origine de l’affaire, a, quant à lui, écrit sur son compte Twitter que regarder Alan Rusbridger interrogé sur son amour pour son pays était l'une des scènes « les plus effrayantes depuis longtemps ».
Pas question, alors, de céder aux pressions ou de reconnaître une quelconque mise à mal de la sécurité nationale. D’autant plus que seuls environ 1 % des 58 000 documents secrets confiés par Edward Snowden au Guardian, et à d’autres journaux, ont été publiés. Le reste est en lieu « sûr », a affirmé le patron du Guardian tout en refusant de révéler publiquement où ils étaient conservés. Il s’est déclaré toutefois prêt à le faire, par écrit, à la commission.
Glenn Greenwald annonce des documents qui vont « choquer »
Le journaliste Glenn Greenwald, porte-voix des révélations d'Edward Snowden sur le système de surveillance de la NSA, affirme que plusieurs documents secrets en sa possession, et prochainement publiés, allaient « choquer », dans un entretien à l'hebdomadaire Télérama de ce mercredi.
« Je compte bien publier ces documents jusqu'au dernier », prévient dans cette interview le reporter de l'affaire Snowden, interrogé à Rio de Janeiro par l'hebdomadaire culturel français. «Je ne veux pas dire que le pire est à venir - les gens s'habituent à ces révélations - mais il y a plusieurs documents sur ce que collecte la NSA et sur la façon dont elle le fait qui vont choquer », déclare celui qui affirme être « assis sur une montagne de documents ».
(Avec AFP)