Buzzfeed saura-t-il faire du LOL Made in France ?

Buzzfeed arrive en France avec sa farandole de chatons qui dansent et de pandas qui éternuent. Cette culture du LOL a-t-elle sa place dans le monde sérieux du journalisme ? La réponse en clics à cette question est un plébiscite positif en faveur de ses sites qui surfent sur les infos décalées, amusantes… Car Buzzfeed est l’arbre comique qui cache la forêt de sites aux styles d’écriture dissonants comme Vice, Topito, Brain Magazine, Le Gorafi… Vocativ, le petit dernier joue sur le journalisme espion.

Les modes d’écriture et de diffusion du journalisme changent. Internet est passé par là. Mais aussi Twitter avec ses 140 signes tout comme Facebook et ses boutons de partage qui ont bouleversé les comportements des journalistes comme des lecteurs. Et comme les taux de fréquentation des sites se comptent en nombre de clics, les informations sont sous l’influence de sites tels Buzzfeed qui connaît des audiences monstres et prouve le changement des comportements.

Les spécialistes du top ten des pandas qui éternuent

Ben Smith, lors de la Master Class à Sciences Po le 4 novembre, racontait son parcours de journaliste passant de la presse dite traditionnelle, le Wall Street journal, au poste de rédacteur en chef du site réputé dans ses classements de chatons qui dansent. Oui ! C’est la culture du LOL (laughing out loud, en français MDR pour « mort de rire »), WTF (what the fuck, « c’est quoi ce bordel ? ») ou OMG (oh my god, « oh mon dieu ! »). Pour justifier ses nouvelles pratiques de clics, Buzzfeed à même un terme, cela proviendrait du bored-at-work network, en gros les gens qui surfent sur internet quand ils s’ennuient au travail.

Facebook ou Twitter apportent plus de trafic que Google

Cette culture-là, boostée par Buzzfeed, souhaite faire son chemin en France par le biais d’une version française du site. Mais pour l’instant les spécialistes du top ten des pandas qui éternuent n’auront pas de bureau dans l’hexagone, juste des traducteurs bénévoles via duolingo qui permettront de mettre en ligne des papiers anglés plus « France ». Pour le recrutement, « ce sera pour plus tard, on attend de connaître un peu mieux le marché français », disait avec désinvolture Ben Smith (à la recherche du LOL Made in France ?) qui confesse ne pas avoir de stratégie bien définie pour la France (wtf ? On va le croire ?)
Dans les locaux de Sciences Po, Dao Nguyen, VP data growth de Buzzfeed, expliquait clairement qu’on était passé du diktat Google à l’influence des réseaux sociaux. Un changement de paradigme qui voit Facebook ou Twitter apporter plus de trafic sur les sites que le traditionnel moteur de recherche. Ainsi pour Buzzfeed ce serait près de 80% de son trafic qui proviendraient des réseaux sociaux, alors que pour un site traditionnel d’information on dépasse rarement les 10%. Ces informations, non sollicitées, atterrissent dans les Timeline Facebook ou Twitter des internautes, leur donnent envie de cliquer et de les partager avec leurs amis. Il n’y a pas de raison de garder pour soi ces photos tordantes de chiens qui courent avec la langue qui pendent, non ?

Brain Magazine : un magazine « intellol »

Buzzfeed n’a fait que capitaliser des pratiques inhérentes au surf sur internet. Dans le même domaine et surfant sur les même principes, des sites naissent et meurent aussi régulièrement. Le français Topito cartonne à son échelle. Le particulièrement laid site upworthy surfe sur le référencement en jouant sur les titres de ces articles (pourquoi pas 5 titres différents pour le même article ?) pour attirer les clics. Mais aussi Vice qui, lui, joue réellement sur les nouvelles écritures, avec des sujets décalés voire trash, mais toujours intelligemment dans l’impertinence. Le français Brain Magazine, lui, se définit comme un magazine « intellol » au ton également impertinent, avec des pages qualifiées de « pute » ou « président ». Pas trop loin en se détachant du monde de l’impertinence pour arriver sur la galaxie du parodique, on ne peut que citer le Gorafi qui, quoiqu’entièrement caricaturale, est parfois si subtilement rédigé qu’il peut être repris malencontreusement par des agences sérieuses. Mais aussi l’Agence France Presque.
 

Extraire une information pertinente du bruit des données numériques

Un nouveau site à l’écriture innovante mérite l’attention : Vocativ. Un look assez efficace, plus de rubriques mais juste des hashtags comme #crime #syria…, et surtout des méthodes journalistiques sorties de la NSA (National Security Agency). Le fondateur vient d’ailleurs d’une société spécialisée dans la sécurité, Mati Kochavi. Scott Cohen, le rédacteur en chef, est quant à lui un ancien du New York Daily News. Ainsi vous trouverez utilisées sur ce site, certaines des technologies logicielles utilisées par la NSA comme d'extraire une information pertinente du bruit des données numériques. La question a été posée par FastCompany à Mati Kochavi : est-ce l’exemple d’adaptation des outils des agences d’espionnage pour faire du journalisme ? Il a répondu en souriant : peut-être. Les journalistes de Vocativ sont qualifiés de « data ninjas ». Pour Kochavi, l’idée très sérieuse serait que les journalistes soient capables de détecter l’information tout juste avant qu’elle arrive. Sur ce site, un papier peut ainsi être totalement construit à partir de témoignages postés sur Reddit…. Selon Mashable, Vocativ est comme Vice mais avec plus de datas. Ou quand la culture de l’espionnage sert au journalisme.

 

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