Internet: nouveau laboratoire littéraire?

De l’onomatopée en passant par les anglicismes, le monde des lettres sur Internet connaît d’incessantes agressions qui secouent les amoureux de l’orthographe. Ainsi, l’univers des accros aux réseaux sociaux fourmille d’une syntaxe rapide, malhabile ou créative, c’est selon. Dernièrement, un Tumblr a fait se gondoler la Toile. Intitulé Les boloss des belles lettres, il revisite les classiques de la littérature dans un langage d’ados accros aux SMS et à la culture geek. Lol !

MDR, WTF et autres Arrgg… les onomatopées ou abréviations ponctuent le quotidien des amateurs des réseaux sociaux. Quand ce ne sont pas tout simplement des anglicismes à foison. Même si la présence de Bernard Pivot sur Twitter semble de bon augure, ils sont toutefois peu nombreux à effectivement respecter la langue française. Cette dernière, sous le diktat des 140 signes, se retrouve, au fur et à mesure des usages, martyrisée, triturée et déformée... Avec Internet, le langage a considérablement évolué est même souligné ici. A tel point qu’une nouvelle forme de langage bourgeonne. Avez-vous entendu parler des Boloss des Belles Lettres ?

Bolos serait le verlan de lobos, « lobotomisés »

On est obligés de commencer par une visite sur le site Wikipédia pour comprendre ce qu’est un bolos. Il est défini de la sorte : « Mot apparu dans la banlieue parisienne (Val-de-Marne ou Seine-Saint-Denis) dans les années 2000, d’origine incertaine (soninké, arabe ou verlan). Le dictionnaire de la zone cite l’hypothèse du linguiste Jean-Pierre Goudaillier selon laquelle bolos serait le verlan de lobos (« lobotomisés »). D’autres soutiennent que le mot est la contraction de bourgeois et lopette, le bolos étant alors un individu dont il est facile d’extorquer de l’argent. » Dans le cas des Boloss des Belles Lettres, vous aurez compris que c’est avec humour que deux auteurs retranscrivent en langage de la rue ou d’Internet les classiques de la littérature française. 

Une gourmandise rabelaisienne à la sauce 2.0
 

Dans la même veine, Pierre Mérot avait abordé cet aspect de façon totalement décomplexée dans le livre Kennedy Junior. Dans ce recueil, on découvrait l’histoire d’un jeune garçon de treize ans qui offrait sa vision du monde depuis son blog. Rédigé à l’instar de ce qu’on peut lire sur les blogs hébergés par Skyrock, ce journal intime d’ado mettait en avant les nouvelles formes d’écriture de cette génération, voire la véritable faille de langage, lorsque le jeune héros s’exprimait sur ses parents, sa sœur, la politique… Ponctué de LOL, MDR ou PTR, l’omnipotence ou la révolte de cet adolescent faisait plaisir à lire. Sorte de gourmandise rabelaisienne à la sauce 2.0.

« ab1to » pour dire « à bientôt »

Certains néanmoins s’en inquiètent et cherchent à comprendre ces nouveaux langages. On peut s’amuser en parcourant ce guide rédigé par une mère qui souhaitait comprendre les SMS de ses ados. Car il est évident que les messages à base de « ab1to » pour dire « à bientôt » sont à la limite du compréhensible pour les non initiés. Sur Facebook, on peut dire que c’est l’anglicisme qui prime à grand coup de « surlike », et c’est rarement très bien rédigé. Mais c’est sur Twitter ou Tumblr qu’ont peut parfois dénicher les plus belles trouvailles. Car il devient presque nécessaire de mieux mettre en forme ses messages qui ont une portée plus générale.

« Le signal d’alarme s’était mis à dringuer. Fallait qu’on ripe ! »

Rassurez-vous, profiter de différences de langage pour se marginaliser n’est pas nouveau. Le langage argotique des bas fonds existe depuis longtemps. Albert Simonin dans son Petit Simonin illustré s’était déjà amusé à traduire pour les honnêtes hommes l’argot des banlieues. Avec des exemples amusant comme : « riper : partir, quitter un lieu en hâte. Ex : « Le signal d’alarme s’était mis à dringuer. Fallait qu’on ripe ! » » Mais qu’en penseraient nos boloss ? Ils seront prochainement édités chez Flammarion, excusez du peu.

 

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