Quand Loïc Pietri répond à vos questions, il a toujours le nez en l’air. Ce gimmick pourrait faire croire à un personnage quelque peu dilettante. Mais ne vous y trompez pas, c’est pour trouver le mot juste qu’il fixe son regard au-delà de l’horizon. Il faut dire que le garçon a toujours envie de voir plus loin.
Prêt à en découdre
S’il s’est révélé aux Championnats du monde de Rio de Janeiro en 2013, en devenant le dixième judoka masculin français à devenir champion du monde et le premier dans la catégorie des moins de 81 kg, depuis, il enchaîne les podiums comme on enfile des perles. Mais c’est l’or qu’il recherche.
L’an dernier, il avait pris la troisième place à Tcheliabinsk en Russie. Il avait lâché le titre au Géorgien Avtandil Tchrikishvili qui, lui, s’était incliné face à Pietri à Rio. En juin dernier, il a aussi pris le bronze lors des Championnats d’Europe à Bakou, en Azerbaïdjan, où Tchrikishvili a aussi imposé sa force et son style. Les deux hommes sont partis pour se disputer les titres jusqu’aux prochains Jeux olympiques.
« Comme toujours, il y a du monde qui veut l'or. Mais je suis prêt à en découdre. J’ai fait une bonne préparation et j’ai de très bonnes sensations. Je vais tout donner », prévient-il. Loïc Pietri concède que son premier titre mondial a changé beaucoup de choses dans sa vie. Champion du monde, c’est le titre majeur qui apporte tant, et qui est rare dans le judo français (à part pour le phénomène Riner).
Tous les judokas tricolores n’ont pas la chance d’avoir leur image acrochée dans le dojo de l’Insep, temple du haut niveau. La recherche du Graal est synonyme de travail acharné et de souffrance. « Je n’ai pas encore vécu les JO, mais pour l’instant, champion du monde, c’est au-dessus de tout », dit Pietri, un timbre d’émotion dans la voix.
Se méfier de tout le monde
« J’ai fait des médailles, mais ça n’a rien à voir. Avec l’or aux Mondiaux, tu passes de l’ombre à la lumière », avoue le Niçois. Il aurait même préféré faire deux fois moins de médailles et accrocher à nouveau l'or dans un grand rendez-vous tel que les Championnats d'Europe (une médaille d'argent et deux de bronze), plutôt que d’être régulier. « Dans les sports de combat, on a le culte du mec qui ne perd pas, pointe Pietri. Deuxième ou troisième, c’est que l’on a perdu contre quelqu’un. Et c’est moins reconnu. Dans le sport, on aime les gagnants. »
Pietri a toujours les pieds bien ancrés dans le tatami ! A Astana, il va donc se méfier de tout le monde, en commençant et en terminant à fond ses combats. Il a travaillé son judo pour faire désormais tomber dans toutes les directions. « Le top serait de regagner avec un judo un peu différent », sourit ce Français qui a manifestement confiance en lui, sans être tout à fait aveugle.
Pour exister dans le sport français, qui a pas mal de résultats en ce moment, c’est donc la couleur jaune qu’il faut raffler. D’autant plus qu’en judo, un deuxième titre dans sa catégorie, c’est aussi rare qu’un trèfle à quatre feuilles (à part l’exception Riner, encore). En moins de 81 kilos, personne n’a pour l’instant relevé ce défi. Ce qui ferait entrer Loïc Pietri une nouvelle fois dans l’histoire de son sport. Lui se dit « déterminé » pour ce dernier grand rendez-vous avant les Jeux olympiques de Rio en 2016.