Mondiaux d’Athlétisme: la ruée vers l’or de Blessing Okagbare

A 26 ans, Blessing Okagbare est sans doute la meilleure athlète d’Afrique de l’Ouest, toutes disciplines confondues. La Nigériane, qui a déjà décroché le bronze aux JO 2008 ainsi que l’argent et le bronze aux Mondiaux 2013, veut désormais décrocher l’or aux Championnats du monde 2015.

Depuis quelques jours, elle s’affiche comme l’égérie d’une grande marque de sports américaine. Blessing Okagbare est la reine de la campagne de publicité #AfricaSoFast (« L’Afrique à toute vitesse »). C’est évidemment tout sauf un hasard, alors que la Nigériane s’apprête à participer aux Championnats du monde d’athlétisme 2015 à Pékin (22-30 août).

A 26 ans, la détentrice du record d’Afrique du 100 mètres (10 secondes et 79 centièmes) et médaillée de bronze des JO 2008 n’a jamais paru aussi forte et aussi sûre d’elle. A Paris, lors du Meeting Areva, elle avait ainsi couru en 10 secondes et 80 centièmes. « Mes ambitions sont plutôt élevées, expliquait alors l’intéressée (1). Je veux être première à chaque session ». « Par dessus tout, mon but est de gagner l’or, ajoute-t-elle. J’ai déjà gagné l’argent et le bronze. L’or manque réellement à mon palmarès ».

« Courir au maximum de mon potentiel »

La musculeuse athlète, au potentiel physique impressionnant, compte déjà cinq titres de championne d’Afrique, en sprint et en saut en longueur. Et elle s’est également imposée deux fois aux Jeux du Commonwealth 2014, un événement réservé en grande partie aux sportifs des anciennes colonies britanniques. « Mais tout le monde n’y participe pas, contrairement aux Mondiaux », souligne-t-elle.

Blessing Okagbare conserve un souvenir ému de ses derniers Championnats du monde, en 2013 à Moscou. « C’était assez énorme pour moi de remporter l’argent (en saut en longueur) et le bronze (sur 200 mètres), en Russie ». Ces Mondiaux lui ont en outre permis d’effacer le souvenir des Jeux olympiques de 2012 où elle avait fini dernière de la finale du 100 mètres. Loin, très loin de la Jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce, reine de la discipline.

« Toute le monde peut être battu, y compris Shelly-Ann ou moi, lance Blessing Okagbare. Elle travaille dure, comme je le fais moi-même. A chaque fois qu’on participe à une compétition, l’essentiel n’est pas de battre quelqu’un, mais de courir au maximum de son potentiel ».

A Pékin, Blessing Okagbare devrait aussi croiser la route de l’Ivoirienne Murielle Ahouré. Les deux jeunes femmes se disputent le titre officieux de meilleure athlète d’Afrique de l’Ouest, hommes et femmes confondues. « Je ne la considère pas comme une rivale à part », tempère toutefois la Nigériane.« On discute parfois ensemble, mais nous ne sommes pas des amies proches non plus », répond-elle ensuite au sujet d'une possible amitié.

Comme Ahouré, Okagbare a fait ses classes aux Etats-Unis. Mais contrairement à la vice-championne du monde du 100 et du 200 mètres, elle a quitté son pays pour les études, lorsqu’elle avait 19 ans. C’était en 2008 et elle s’en souvient bien. « Ça n’a pas été si difficile que ça de partir, rit-elle. Je voulais vraiment réussir et j’avais une bourse. Mon futur établissement voulait que je fasse du sport. Donc, j’en ai profité. Je n’ai pas eu besoin d’y réfléchir à deux fois avant de saisir cette opportunité ».

Blessing Okagbare débarque à l’Université du Texas et prend alors pleinement conscience que les athlètes nigérians ne luttent pas toujours à armes égales avec les autres. « Tout ce dont j’avais besoin pour m’entraîner existe là-bas, expose-t-elle dans un anglais teinté d’accent américain. Donc je préfère rester là-bas pour le moment. Je veux réussir et il faut avoir un environnement favorable pour cela ». Elle soupire : « Au Nigeria, ils ne disposent pas de toutes les infrastructures nécessaires pour qu’un athlète soit au sommet. Je veux continuer à progresser et travailler sérieusement. Donc, je ne pense pas que retourner au Nigeria serait une bonne idée. »

Une enfance difficile

Plus généralement, Blessing Okagbare décrit une enfance difficile. « Il fallait se débrouiller pour tout, raconte-t-elle. J’ai été élevée par mon père et par ma grand-mère. Il fallait travailler très dur pour obtenir chaque chose. Je n’ai pas eu une enfance privilégiée ».

Blessing Okagbare est née et a grandi à Sapele, dans le sud du pays, comme le boxeur David Defiagbon (médaillé d’argent aux JO 1996) et le sprinteur Olusoji Fasuba. Mais elle ne vient pas d’une famille de sportifs et n’a dû compter que sur son seul talent. « Lorsque j’étais enfant, je n’ai jamais pensé que je serais une athlète de haut niveau. Ça ne m’avait jamais traversé l’esprit ».

La gamine court alors un peu et prend presqu’autant de plaisir à taper dans un ballon. « Je n’étais pas du genre à jouer au foot pour faire carrière. Quand j’étais enfant, je jouais au football avec les garçons, dans la rue. J’ai continué au collège ou au lycée. Mais ça n’est jamais allé plus loin. »

Désormais, Blessing Okagbare joue parfois au football avec son mari, Igho Otegheri, un ex-international nigérian. « C’est plus simple lorsqu’on est avec quelqu’un qui comprend ce que vous faites, sourit celle qui voyage en permanence aux quatre coins du monde, d’une compétition à l’autre. Ça rend les choses plus faciles pour nous deux ».

La championne d’Afrique n’a pas encore décidé quand est-ce qu’elle mettra a un terme à ses pérégrinations. Car elle a encore quelques rêves, comme celui d’être porte-drapeau du Nigeria aux Jeux olympiques. « Ce serait un honneur », conclut celle qui mènera la délégation nigériane à Pékin

(1) Cet entretien a été réalisé le 7 juillet 2015.

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