De notre envoyé spécial à Cambrai,
« Demain, il fera jour ». Marc Madiot, le directeur sportif de Thibaut Pinot a l’air complètement abattu. La veille, un de ses coureurs, William Bonnet, avait fait une cabriole impressionnante et s’était retrouvé à l’hôpital. Aujourd’hui, c’est son leader qui perd un temps fou après un incident technique sur les pavés (dérailleur bloqué). La roue de la fortune ne sourit pas à la FDJ.
« C’est dommage... »
Alors que l’Allemand Tony Martin, qui avait dû changer de vélo, passait la ligne d’arrivée en vainqueur avec en plus le Maillot jaune dans la timbale, tout le monde attendait de voir combien de temps allait concéder Pinot sur la ligne. Résultat : trois minutes et vingt-trois secondes dans la vue. Le Franc-Comtois est désormais à plus de six minutes au classement général. Un gouffre.
Troisième l’an dernier, vainqueur d’étape en 2012, Thibaut Pinot avait une nouvelle fois coché la Grande Boucle sur son calendrier. Et les suiveurs comptaient sur lui. Voilà trente ans que la France attend un successeur à Bernard Hinault… Au pied du bus de son équipe, deux quinquagénaires venus de Franche-Comté tentaient d’apercevoir Pinot, complètement étouffé par la meute de journalistes venus aux nouvelles.
Le visage crasseux et la mine triste, Thibaut Pinot lâche sèchement : « Je ne pouvais pas être dépanné par Matthieu (Ladagnous) qui mesure 10 centimètres de plus que moi. J’attendais mon vélo, tout simplement ». Avec de la déception dans la voix, il a ajouté un « c’est dommage », qui en dit long sur son état d’esprit. Le Tour de France est impitoyable. Dans les secteurs pavés, Thibaut Pinot a dû attendre plusieurs minutes son vélo de dépannage, la rage au ventre. « Quand ça veut pas, ça veut pas… en plus j’étais à fond. C’est comme ça ».
« On va trouver de nouveaux objectifs »
La Grande Boucle dure trois semaines, et au bout de quatre étapes, il va falloir remettre cartes sur table pour la FDJ. A la veille du départ à Utrecht samedi dernier, Marc Madiot disait : « tous les coureurs ont de l’appréhension lors de la première semaine. La tension est extrême et il faut être humble avec le Tour de France ». Prémonitoire. L’an dernier, Christopher Froome, vainqueur sortant, n’avait même pas vu la montagne.
Et maintenant ? « On va voir ce soir. On va trouver de nouveaux objectifs, le Tour n’est pas fini », se rassure un peu Thibaut Pinot. « C’est une course de vélo. Ca va peut-être changer dans les Pyrénées. L’an dernier tout s’est bien enchaîné. Aujourd’hui, c’est différent. On va se concentrer pour les étapes qui viennent », dit de son côté Marc Madiot.
« Sur des étapes comme celles-ci, on ne maîtrise pas tout », commentera plus tard l’Espagnol Alberto Contador, un spécialiste des Grands Tours, qui avait abandonné lors de l’édition 2014 après une chute.