Dans le dojo de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), les paroles se mélangent volontiers. En arabe, l’entraîneur tunisien donne ses conseils à Faïcel Jaballah. Le judoka tunisien, médaillé de bronze lors des derniers mondiaux (+100 kg) et double champion d’Afrique, s'entraîne avec un « Tricolore » qui, lui-même, reçoit les consignes de son coach français. Le tout, dans un endroit qui a l’habitude de recevoir des judokas étrangers.
« Après la révolution tunisienne, le sport n’a pas été une priorité »
Pour la Tunisie, venir en France est une aubaine. Cette petite nation du judo a passé un palier lors des championnats du monde ces dernières années et rêve désormais de se hisser sur un podium olympique. Rio est désormais l’objectif affiché par l’entraîneur Anis Lounifi, le seul champion du monde africain pour le moment (- de 60 kg). « Au niveau mondial, on a pu avoir des médailles ces deux dernières années et même si on n’a pas trop de moyens, on s’accroche. On attend désormais une médaille à Rio », raconte-t-il.
Le judo tunisien doit se battre pour évoluer. « Après la révolution tunisienne, le sport n’a pas été une priorité. C’est un peu le dernier souci des gens qui doivent lutter pour obtenir le minimum vital. Un stage en France nous permet de peaufiner notre préparation », explique Anis Lounifi. Mais tout cela n’empêche pas la Fédération tunisienne de faire en sorte que les gamins du pays viennent goûter aux joies du tatami. « On fait beaucoup de publicité pour attirer le jeune public », concède Lounifi. Cette saison, une World Cup de judo a été organisée à Tunis en janvier et la compétition a été diffusée à la télévision. En Tunisie, le judo est aussi pratiqué à l’école, ce qui permet de faire plus facilement la promotion de ce sport. En 2016, les championnats d’Afrique y seront organisés.
« C’est important pour eux, car en France nous avons de bonnes structures d’entraînement. C’est bien que la France ait une politique d’aide. C’est comme ça que le judo se développera. J’espère que lorsqu’ils seront meilleurs que nous, ils feront pareil », confie en riant le judoka français Loïc Pietri, champion du monde des moins de 81 kg. Et Faïcel Jaballah pourrait bien lancer les hostilités.
L'espoir Faïcel Jaballah
Lors du dernier Grand Prix de Samsun en Turquie, Jaballah, fer de lance du judo tunisien, a terminé sur la première marche du podium en éliminant le Brésilien Rafaël Silva, numéro un mondial dans la catégorie reine (+100 kg). Le Français Teddy Riner est juste devant Jaballah au classement mondial. Et tout le monde sait que l’homme à battre reste Riner avec son palmarès incroyable (7 titres au niveau mondial et une médaille d'or olympique). C’est le principal objectif de Faïcel Jaballah. « Notre devise, c’est le travail. Ce que je dis à mes athlètes, c’est d’être prêt le jour J. Et impossible n’est pas Tunisien », dit Anis Lounifi en lancant un regard amusé vers Jaballah.
« J’ai fait un bon stage à Paris », commente l'interessé. « Mes adversaires d'entraînement à l'Insep étaient de qualité et c’est bien pour les championnats d’Afrique qui peuvent m’apporter des points pour la qualification des JO ». Car Jaballah n’a qu’une idée en tête : les Jeux olympiques. « J’ai commencé à y penser en 2012. C’est quatre années de travail pour moi. C’est le titre qu’il faut pour entrer dans l’histoire. Il y a beaucoup d’adversaires, mais je travaille pour cela. »
À Paris, Faïcel Jaballah constate que le judo est important. Il ramène des médailles aux Bleus et la fédération compte un nombre important de licenciés. « Pour nous, c’est différent. Le football vampirise tout », fait-il remarquer. Et pour faire décoller le judo tunisien, il doit monter sur la première marche à Rio.
Propos recueillis à l’Insep le jeudi 9 avril.