Handball: Mouna Chebbah au sommet de son art et au pied de l’Olympe

A 32 ans, la handballeuse tunisienne semble au sommet de son art. Mouna Chebbah, qui évolue au poste de demi-centre à Nîmes, est en tout cas la meilleure marqueuse du Championnat de France. Championne d’Afrique, elle espère désormais qualifier la Tunisie pour les Jeux olympiques 2016, via un tournoi à Luanda en Angola (19-21 mars). Portrait.

On l’a dit parfaite. La handballeuse Mouna Chebbah est talentueuse, élégante, professionnelle et a un fort caractère. De fait, à 32 ans, la Tunisienne du Handball Cercle de Nîmes (HBCN) n’est pas loin d’être la meilleure joueuse d’Afrique et du Championnat de France. Pourtant, quand on le lui fait remarquer, celle qui caracole en tête du classement des marqueuses de Division 1 (109 buts en 14 matches) semble gênée. « Je suis heureuse que des gens disent ça, répond-elle. Mais au fond de moi, je sais bien que je suis loin d’être parfaite. Il y a bien mieux que moi en handball. Je figure peut-être parmi les meilleures. Mais je sens que je peux apprendre encore plein de choses ».

Si Mouna Chebbah a quelques lacunes, elle a des excuses à faire valoir. Car elle a commencé le handball à 18 ans seulement, après s’être adonnée à l’athlétisme. Elle s'est rapidement imposée comme une référence au poste de demi-centre. Que ce soit en France, à Besançon (2005-2008) et à Nîmes depuis cet été. Ou au Danemark, à Esbjerg (2008-2010) puis à Viborg (2010-2014), au sein du meilleur championnat au monde. « Tout le monde m’aime encore là-bas, s’amuse-t-elle. On m’appelle encore aujourd’hui pour que je revienne ».

Mouna Chebbah a pourtant décidé de quitter le Danemark par la grande porte, l’été dernier, après avoir remporté un titre de champion, une coupe nationale et une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. « J’avais besoin d’un autre challenge, assure-t-elle. Viborg était le club dont j’avais toujours rêvé. Là-bas, il y avait une "dream team", avec les meilleures joueuses du monde. Je me suis régalée avec cette équipe-là ». Mais ses proches ont fini par lui manquer. « Ça faisait sept ans que j’étais un peu déconnectée de tout, explique-t-elle. La France est à côté de la Tunisie et de ma famille. J’ai envie de profiter d’elle ».

Une chanson de rap à sa gloire

Bertrand Roux, le président du HBCN, actuel 4e du championnat français, avait proposé à plusieurs reprises à la championne de le rejoindre. « Si le club en est là aujourd’hui, c’est aussi un peu grâce à elle », se félicite-t-il aujourd'hui.

Le HBCN, surtout habitué à former des joueuses, avait rarement compté une telle star dans ses rangs. « Mouna Chebbah fait partie des tops mondial, savoure Bertrand Roux. Elle a attiré la lumière sur notre équipe. Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’un sportif à Nîmes, c’est de Mouna Chebbah ».

La Tunisienne est effectivement devenue une sportive respectée dans la région. Un rappeur local, Fras, lui a même consacré une chanson. « J’étais vraiment touchée parce que c’est la première fois que quelqu’un fait un vidéoclip en mon honneur », sourit la joueuse. « A Nîmes, les gens vont plus voir l’équipe de foot que nous, même s’ils sont en 2e division. On obtient des résultats mais il n’y a pas grand-monde qui vient nous voir ».

Donner une bonne image des femmes en Tunisie

En Tunisie non plus, le handball féminin n’est pas reconnu à sa juste valeur, déplore la championne d’Afrique 2014. « On a été un peu déçues, soupire Mouna Chebbah.On a beau avoir remporté le Championnat d’Afrique, nos  conditions n’ont pas changé. Ça fait même mal au cœur de ne pas avoir plus de respect ». Elle ajoute : « Pour nous, ça a été un moment historique. Gagner ce titre, c’était le rêve d’une génération. Ça fait presque douze ans qu’on travaille avec cette équipe. »

Avec ce sacre, les Tunisiennes espéraient également donner une bonne image de la femme dans le monde arabe. « On est mieux perçue que dans d’autres pays, décrypte Mouna Chebbah. Surtout dans le domaine sportif. Mais on privilégie encore les hommes, surtout en football et peut-être aussi en handball ».

Mouna Chebbah a été élue sportive de l’année 2014 en Tunisie, ce qui la console à peine. « Tous les sacrifices que j’ai fait ont fini par payer, considère-t-elle. Mais on n’en parle pas trop, parce que je ne suis pas un footballeur ou une grande star en Tunisie ».

Les JO 2016, le dernier grand défi de sa carrière

La reconnaissance du grand public et des médias viendra sans doute d’une qualification pour les Jeux olympiques de 2016 à Rio. Les handballeuses tunisiennes n’ont jamais été aux JO. « Réussir cette première, pour mon palmarès et pour ma fin de carrière, ce serait génial, assure Mouna Chebah. J’ai toujours rêvé des Jeux olympiques. Il ne me reste que ça à faire ».

Pour aller au Brésil, les Tunisiennes devront finir premières d’un Tournoi de qualification à Luanda (19-21 mars 2015) auquel l’Angola, la RDC et le Sénégal participent. « Il y a une ambiance de fou, là-bas, en Afrique, lance Mouna Chebbah. On connaît aussi l’arbitrage africain, qui est toujours favorable au pays organisateur ». Elle ajoute : « Les Angolaises vont vouloir prendre leur revanche par rapport à la dernière Coupe d’Afrique (1). Elles ne vont rien lâcher et elles vont tout faire pour aller aux Jeux. »

En cas de qualification, Mouna Chebbah pourra alors songer tranquillement à une retraite… internationale. Car en club, elle ne se voit pas encore arrêter. « Les gens me taquinent un peu en me disant ‘tu es vieille !’ Mais sur le terrain, je ne le sens pas du tout. Je n’ai que 32 ans et je me sens toujours bien physiquement. Si un jour quelqu’un me dit ‘tu es nulle, tu ne sais plus jouer’, j’arrêterai », affirme la Nîmoise. « Mouna est à la fois fragile et forte, conclut Bertrand Roux. Elle est forte sur le terrain où rien ne lui résiste. Mais à l’extérieure, elle est un peu fragile. » Pas parfaite donc, mais pas loin non plus.

(1) Les Tunisiennes ont éliminé les Angolaises en demi-finale du Championnat d’Afrique des nations 2014.

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