propos recueillis par Nathalie Amar
Issa Hayatou, le documentaire de la BBC fait état de versements illégaux de la part de la société ISL - qui n’existe plus aujourd’hui - des paiements qui auraient servi à corrompre plusieurs responsables de la FIFA. Le patron du football brésilien Ricardo Teixeira et le président de la Confédération Sud-Américaine Nicolas Leoz sont cités ainsi que vous-même. En 1995, vous auriez reçu un paiement en liquide de 100.000 francs suisses (environ 75.000 euros) de la part d’ISL. Qu’avez-vous à répondre à ces accusations ?
Oui, c’est vrai, la BBC a diffusé ce documentaire. Tout ce que je peux vous dire, c’est que ces informations ne sont pas exactes. C’est vrai que la BBC l’a diffusé mais je peux vous dire qu’il y a beaucoup d’amalgame dans la mesure où - comme vous l’avez si bien dit - le paiement dont il est question date de 1995. Cela n’avait donc rien à voir avec l’organisation des deux Coupes du monde de 2018 et 2022, contrairement à ce qu’ils veulent faire croire....
Cela n’a effectivement rien à voir. C’est simplement une coïncidence malheureuse. Mais le journaliste qui publie cette enquête travaille sur cette question depuis dix ans. Vous pensez que la BBC publie des documents erronés ?
Quand je dis que c’est erroné, c’est simple: ils ont voulu faire croire aux gens que c’est une corruption agissant à l’heure actuelle alors que, au moment où cet argent a été versé, il était destiné à la Confédération Africaine de football pour son 40e anniversaire. Ce n’était pas de l’argent qui était destiné à M. Issa Hayatou président de la Confédération Africaine de football. En tant que sponsor, ISL a cru devoir nous donner cet argent. Et à l’époque, les membres du comité exécutif de la CAF en étaient informés. Nous avons donc accepté, autour d’une table, que cette somme nous soit versée parce qu’ISL était sponsor de l’événement.
Donc vous ne contestez pas le versement de ces 100.000 francs suisses. Vous dites simplement qu’il ne s’agit pas d’un dessous-de-table ?
Non, je ne conteste pas, c’est clair. C’est ISL qui nous les a donné pour participer à la fête que nous organisions pour le 40e anniversaire.
Et ISL n’en attendait aucune contrepartie ? C’était quand même la société qui détenait les droits de la commercialisation de l’événement....
Non, non, ils avaient des droits de commercialisation avec la FIFA mais pas avec la Confédération Africaine de football. Je vous dis seulement dans quel contexte cet argent nous a été donné. C’est une dotation de la part d’ISL.
C’est normal, selon vous, qu’une société privée verse ainsi des sommes en liquide à des membres de la FIFA ?
Ils n’ont pas versé l’argent à des membres de la FIFA. Ils l’ont versé à une institution, à une confédération. Pas à des membres. Ils ont versé à la Confédération africaine de football pour pouvoir soutenir notre effort: la fête que nous allions organiser pour le 40e anniversaire. C’est dans ce contexte que cette société nous donné l’argent. Et dans nos milieux, dans le sport, il y a toujours les sponsors, vous le savez pertinemment.
L’affaire a été jugée suffisamment grave pour que le CIO, le Comité International Olympique, demande à la BBC les documents en question et déclare ce matin même vouloir faire appel à la Commission d’éthique. Est-ce que vous craignez des sanctions de la part du CIO dont vous faites également partie ?
Je n’ai rien à craindre. J’ai la conscience tranquille. Qu’est-ce que j’ai à craindre ? S’il devait y avoir des sanctions, ça commencerait par la FIFA elle-même. Nous avons aussi une Commission d’éthique. Si jamais quelque chose n’était pas correct, je vous le dirais. Mais là, je suis tranquille car il n’y a rien de faux dans tout ce qui a été fait.
On sait que des pratiques de corruptions existent dans le monde du sport. Il y a eu notamment le précédent de l’attribution des Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City, ces pots de vins acceptés par plusieurs membres du CIO de la part du Comité d’Organisation de la ville. Le CIO a, depuis, fait le ménage. Certains de ses membres ont été exclus. La FIFA est-elle à l’abri de tout soupçon ?
Il n’y a aucune société au monde qui est à l’abri de tout soupçon concernant la corruption. Ce n’est pas seulement dans le milieu du sport. Elle existe dans le monde des affaires, dans le milieu scolaire. Dans tous les milieux, il y a de la corruption. Il ne faut pas penser que cela n’existe que dans le sport.
L’attribution des Coupe du monde 2018 et 2022 est déjà entachée de soupçons puisque deux membres comité exécutif de la FIFA - le Tahitien Raynald Temarii et le Nigérian Amos Adamu - ont été suspendus après avoir été piégés par des journalistes anglais...
La procédure est en cours. Il y a la présomption d’innocence. Attendons d’abord que toutes les procédures soient utilisées pour parler de corruption. A l’heure actuelle, ils sont en appel.
Transparency International, l’association qui lutte contre la corruption, demande aujourd’hui le report de l’attribution des deux Coupes du monde, le temps qu’une enquête soit menée sur toutes ces affaires. Est-ce que vous y seriez prêt ?
De toutes les façons, si c’est le cas, le Comité exécutif est là pour étudier et voir si, oui ou non, on va accéder à la demande de transparence. Mais je ne suis pas au courant, au moment où je vous parle.
Depuis la diffusion du document, avez-vous vu Sepp Blatter et êtes vous assuré de son soutien ?
Mais bien sûr ! Nous étions en réunion ensemble. A la fin de la réunion nous nous sommes vus, nous avons causé, nous avons commenté et nous avons ri. Les tribunaux suisses ont déjà conclu. Et l’affaire est déjà classée.