Forts de l’Accord de Paris, obtenu à l’issue de la COP21 de Paris, les 3000 délégués réunis à Bonn, au siège de la Convention de l’ONU sur les changements climatiques, vont avoir, durant cette première session de négociation, de très nombreux chantiers à aborder pour préparer les étapes suivantes, à commencer par la COP22 de Marrakech (Maroc) en novembre prochain. « Les fondations sont posées, à nous maintenant de construire notre maison commune », a déclaré à l’ouverture des travaux la ministre française de l’Environnement, Ségolène Royal.
Un pacte universel
L’Accord de Paris, qui a déjà été signé par 177 Etats, dont 175 dès l’ouverture à la signature le mois dernier au siège des Nations Unies à New York (ce qui est déjà un record pour l’ONU), doit, pour être validé, encore être ratifié (transposé dans le droit national) par au moins 55 pays, représentant 55% des émissions de gaz à effets de serre (les Etats-Unis et la Chine qui sont des pays signataires totalisent à eux deux 38% des émissions). A ce stade, 16 ratifications ont été faites et de nombreux appels ont été lancés pour amener les Etats à ratifier rapidement cet engagement qui doit rentrer en application en 2020. Mais d’ici là, il faudra avoir rehaussé collectivement le niveau d’ambition et trouver pour chaque pays le réglage optimal qui permettra de réaliser des transformations profondes - comme la sortie des énergies fossiles pour limiter efficacement les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.
Les chantiers à venir : des compromis encore incertains
L’accord, conclu à Paris à la COP21 en décembre dernier, a permis de réaliser ce que la COP15 de Copenhague n’a pas pu faire en son temps : rassembler la communauté internationale autour d’un engagement ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique. Mais cette adhésion quasiment sans faille de tous les pays pour obtenir un compromis a un prix : celui des limites que chacun n’a pas su dépasser, un prix qui fait la force et la faiblesse de l’accord. Par exemple, l’accord fixe des objectifs à l’horizon 2100 notamment en termes de transition énergétique et il a été demandé à chacun de faire un plan national de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais rien n’a encore été décidé sur les mécanismes qui permettront de surveiller ou d’aider à la mise en œuvre de ces plans. Et si un pays ne respecte pas ces engagements que fait-on ? Quelles règles se fixe-t-on ? Sur quelles références se base-t-on pour fixer les seuils à atteindre ? Comment mesure-t-on ces seuils ? Qui les mesure ?...
Les ambitions des pays doivent être revues à la hausse Non seulement les chantiers sont nombreux si l’on veut pouvoir convenir de toutes les règles de fonctionnement, mais il faudra aussi élever globalement l’ambition. Aujourd’hui, si on fait la somme des engagements pris par les nations pour réduire les émissions de gaz à effets de serre, la trajectoire actuelle ne permettra pas d’atteindre l’objectif qui est d’être au maximum en dessous de 2° de réchauffement à la fin du siècle (par rapport à l’ère préindustrielle), voire d’atteindre 1,5°. La somme des efforts actuels est insuffisante et ne permettra pas d’être en dessous de 2,5° voire 3° de réchauffement (par rapport à l’ère préindustrielle).
« A l’évidence nous ne sommes pas encore sur la voie… et nous n’avons pas d’autre option que d’accélérer (les actions pour limiter le réchauffement) », a déclaré à Bonn Christina Figueres, secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Le temps presse
Les indicateurs sont mauvais, le réchauffement du climat est en cours et, chaque année, de nombreux événements en témoignent. A Bonn, de nombreux délégués se sont inquiétés des dégâts provoqués sur la Grande barrière de corail en Australie, sur les feux de forêt au Canada ou sur la sécheresse en Inde. L’agence spatiale américaine a illustré l’urgence climatique en déclarant que le mois d’avril 2016 avait été le plus chaud depuis que l’on a des températures de référence (19e siècle). L’agence ajoutant que c’est le septième mois d’affilée à battre un tel record.
Les pays en développement, dont certains font partie des pays les plus vulnérables, ont rappelé l’urgence de la situation. Pour le représentant des pays les moins avancés, Tosi Mpanu-Mpanu, la question du soutien aux politiques climatiques des pays en développement doit rester en tête des priorités. Une position que partage entièrement le « Groupe des 77 et la Chine » (134 pays en développement et émergents) qui soulignent l’importance d’agir avant 2020 (date d’entrée en application de l’accord) si le monde veut tenir ses objectifs. « Les solutions n’ont jamais été si peu coûteuses » souligne le Maldivien Thoriq Ibrahim, le président du groupe des Petits Etats insulaires (44 pays sur des îles condamnées à disparaître avec l’élévation des océans, due au réchauffement climatique) qui s’interroge : « La seule question est de savoir si nous allons nous y mettre tous ensemble suffisamment rapidement et fortement pour éviter la catastrophe. »