Avec notre envoyé spécial à Bonn, Achim Lippold
« Pour beaucoup de gens, le dérèglement climatique est une question de vie ou de mort ». Ce sont ces mots, volontairement provocants, que l'ambassadrice sud-africaine Nozipho Mxakato-Diseko a choisis pour taper du poing sur la table. Des mots qui tranchent avec l'habituel jargon diplomatique. Jeudi, les pays en développement ont voulu mettre la pression sur les pays riches. Ils veulent obtenir des engagements financiers pour faire face aux impacts du réchauffement climatique.
Et le coup de gueule de la présidente du groupe G77, une alliance formée par 134 pays du Sud, a plutôt réussi car tout au long de la journée, on n'a parlé que d'elle dans les couloirs diplomatiques de Bonn où se tiennent les ultimes négociations avant la COP 21. Ou plutôt de ses mises en garde. « La France sera jugée en fonction de ce que l'accord de Paris prévoit sur le financement. Pour nous, ce sera le critère du succès », a-t-elle prévenu.
Côté français, on préfère rester calme. « Elle a sa vision des choses... On va trouver un compromis à Paris », estime Laurence Tubiana, l'ambassadrice de la COP 21, qui se veut optimiste : « Il y a vraiment une volonté de travailler, d’avoir le texte le meilleur possible. Ce que je trouve positif, c’est qu’ils ne veulent pas lâcher, analyse-t-elle. Tout le monde veut un accord à Paris et c’est intéressant de voir l’implication sud-africaine. Ils veulent que ce qui s’est passé à Durban trouve son aboutissement à Paris en décembre, ils veulent en être et c’est légitime d’ailleurs. » Une volonté d’aller au bout stimulée aussi, souligne-t-elle par les échecs du passé. La dernière tentative pour parvenir à un accord mondial sur le climat, en 2009 à Copenhague, s'était soldée par un échec qui a laissé des traces.
Une chose est sûre : les divergences sur le financement des pays pauvres ne seront pas réglées à Bonn. C'est aux chefs d'Etat et de gouvernement de les trancher à Paris. Vont-ils réussir ? L'ambassadrice sud-africaine veut y croire. « Les pays en voie de développement doivent être optimistes sur la conférence de Paris, explique Nozipho Mxakato-Diseko. Nous n'avons pas d'autre choix ».
■ « Pour nous, c'est une question de survie »
L'un des problèmes à régler est la question de l'aide financière que les pays pauvres attendent des pays industrialisés. Pour l'instant, cette aide est insuffisante, estime le groupe des G77, une vaste alliance formée par des pays du Sud. Une position partagée par de nombreuses ONG présentes à Bonn.
Harjeet Singh est expert climat à l'association humanitaire Action Aid :
« On est confronté à deux approches différentes, analyse-t-il. Les pays en voie de développement sont préoccupés par les conséquences du changement climatique sur la vie quotidienne. Leur priorité c'est de lutter contre ce phénomène climatique. C'est pour cela qu’ils veulent être dédommagés pour des catastrophes naturelles engendrées par des événements extrêmes. Les pays du Sud doivent protéger leurs ressources et la vie de leurs habitants. Ils doivent s'adapter au changement climatique. Et en plus, ils s'engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. »
« Pour les pays industrialisés, c'est plus facile : ils possèdent déjà de l'argent, des moyens techniques et des compétences pour faire face au changement climatique, souligne l'expert. Donc ce n'est pas une priorité pour eux. D'où la frustration des pays du Sud. D'où l'insistance du groupe des G77 sur l'aide financière. Pour nous, c'est une question de survie. C'est une question de nourriture, d'eau et d'abris. Il faut que chacun comprenne la préoccupation de l'autre. Sinon, nous ne pourrons pas avancer et parvenir à un accord robuste. »