Le 5e rapport du Giec constate que malgré les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui ont été mises en place, l'augmentation des émissions de ces gaz dans l'atmosphère, due à l'activité humaine, s'avère plus importante que jamais durant la décennie 2000 à 2010. La majorité des émissions directes provient de la production d'énergie à partir de produits fossiles comme le pétrole ou le charbon (35%). Suivent l'agriculture et les forêts (24%), l'industrie (21%), les transports (14%), le bâtiment (6%). Tous ces secteurs ont vu leurs émissions progresser, sauf celui de la foresterie en raison des campagnes de reboisement.
Les conséquences en termes de température globale
Depuis la précédente évaluation du Giec en 2007, la communauté internationale s'était fixée une valeur plafond de 2°C d'augmentation globale par rapport à l'ère préindustrielle d'ici la fin du siècle. Une valeur à ne pas dépasser, pour éviter de faire courir aux humains de grands dangers climatiques, avec les conséquences associées comme l'insécurité alimentaire, notamment. Mais il semble qu'un maximum de 2° ne soit pas tenable : il faudrait vraiment réduire les émissions partout, dans tous les domaines et tout de suite.
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Christian Grollier, professeur d'économie à l'université de Toulouse et auteur d'un chapitre du rapport sur l'éthique, affirme que même si l'on arrêtait tout de suite d'émettre des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, la quantité qui est déjà présente implique une inertie du système qui entraîne la température vers le haut. Car « 2° d'augmentation impliquerait de limiter la concentration de gaz à effet de serre à 450 ppm (en parties par million, qui quantifient le pourcentage dans l'atmosphère). Or on est déjà à 400 et on vient de 280 avant la révolution industrielle. Rien que par la force d'inertie, on sera à 450 avant la fin du siècle. » Pour autant, il faut néanmoins faire en sorte que l'augmentation soit la plus faible possible.
Atténuer ou s'adapter... ou pas
Plus on attend pour agir, moins il y aura d'atténuation et plus le prix à payer pour l'adaptation sera élevé. Et si rien n'était fait d'ici 2025 ou 2030, ce serait définitivement trop tard. Une augmentation de la température globale supérieure à 3,5° ou 4° aurait de graves conséquences. Côté humain : des conflits interrégionaux, des famines, une migration climatique importante ; concernant les écosystèmes : une adaptation impossible, car trop rapide, amenant une accélération de la disparition d'espèces, notamment.
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Le passage des énergies fossiles (pétrole, charbon) aux énergies renouvelables (éolien, solaire, biomasse) est indispensable à négocier. Le nucléaire est cité dans le rapport du Giec comme une solution associée, mais avec des réserves liées aux risques. Du point de vue économique, cette transition ne coûterait que 0,06% de croissance par an. Il est également indispensable d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments, des modes de transport et des processus industriels. Et dans un même temps, pour réduire le stock de carbone dans l'atmosphère, il est nécessaire de développer la recherche sur la capture et le stockage.
Des contraintes financières
Le rapport suggère également d'instaurer des normes plus contraignantes et de mettre en place des taxes fondées sur les émissions de carbone, tout en réduisant les subventions aux énergies fossiles. L'une des difficultés mises en avant est la nécessité de travailler à la fois au niveau individuel et au niveau international. Au niveau individuel, réduire la consommation d'énergie est indispensable et il faut multiplier les solutions locales. Mais il s'agit d'un problème global ; les sécheresses et les incendies ne s'arrêtent pas aux frontières, par exemple. Il demande donc une réglementation internationale.
Les craintes des pays en développement
Sur les petites îles, les habitants ont déjà les pieds dans l'eau et ils ont peur que les objectifs globaux soient trop bas. En face, les pays exportateurs de pétrole n’ont pas envie de voir leurs revenus baisser. Le consensus est donc difficile à obtenir (même si chaque rapport du Giec est obligatoirement approuvé à l'unanimité. Le chapitre sur l'éthique du 3e volume de ce 5e rapport insiste sur l'équité indispensable des mesures à prendre, ainsi que sur la solidarité qui doit prévaloir dans les décisions internationales.
Il y a bien une responsabilité des pays riches, mais pourquoi ne pas appliquer le principe du pollueur-payeur ?
Modifier les critères d'évaluation
Pour évaluer les conséquences du réchauffement ou des mesures prises pour y remédier, aujourd'hui, tout n'est pas quantifié. Des questions nouvelles se posent : par exemple, comment valoriser des entités non monnayables comme une barrière de corail, qui ne vaut intrinsèquement rien, mais dont la disparition va modifier profondément le mode de vie des habitants insulaires ? Il faut donc enrichir les paramètres d'évaluation. L'économie n'est pas tout ; le bien-être, l'accès aux ressources, notamment, doivent être pris en compte.
Construire l'avenir
L'idée d'une gouvernance mondiale sur le climat, suggérée par les experts, semble excellente, mais tous les pays n'y sont pas prêts. Peut-être la conférence sur le climat, à Paris en 2015, parviendra-t-elle à mettre en place un cadre juridique international. C'est en tous cas le souhait de Ségolène Royal, la ministre française de l'Environnement, qui pointe dans sa présentation du rapport du Giec : « Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on est obligé de faire le lien entre quotidien et futur (…) il faut mettre en mouvement toutes les sociétés pour tout le monde ait intérêt à agir. »
■ POUR APROFONDIR
• Portail destiné à faciliter l’accès aux documents du Giec
• Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
• Ministère/Changement climatique : 5e Rapport d’évaluation du GIEC