Jusqu’à présent, les scientifiques avaient démontré qu'aucune région du monde n'était épargnée par le réchauffement climatique, à l'exception de l’Antarctique. Le peu de données disponibles ne montraient qu’une élévation modeste des températures.
Publiée le 24 décembre dernier dans la revue Nature Geoscience, une étude américaine vient d'établir que l’Antarctique occidental (côté Amérique du Sud) s’est réchauffé quasiment deux fois plus que ce que laissaient penser les calculs précédents. Depuis 1958, la température a augmenté 2,4°C.
« C’est une nouveauté importante, analyse le climatologue Jean Jouzel, car dans le dernier rapport du Giec de 2007 [Ndlr, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], on disait que l’Antarctique était une des seules régions qui ne se réchauffaient pas. Et évidemment, cela avait été utilisé par les climato-sceptiques ».
Une région très sensible au réchauffement
« L'Antarctique occidental est une des régions qui changent le plus rapidement sur Terre, mais c'est aussi l'une des moins connues », commente l'un des auteurs David Bromwich du Byrd Polar Research Center (Université d'Etat de l'Ohio). Les relevés de la station Byrd, installée en 1957 en Antarctique occidental, étaient incomplets. Les auteurs de l'étude ont utilisé d'autres sources pour compléter les trous et corriger les erreurs.
Une augmentation qui représente trois fois la hausse moyenne à la surface du globe sur la même période et fait de l’Antarctique occidental l’une des régions les plus sensibles au changement climatique. « On connaît les raisons du réchauffement de l’Arctique où l'on sait que le phénomène est aggravé par la diminution des glaces qui renvoient le rayonnement solaire, explique Jean Jouzel. Mais pour l’Antarctique, les auteurs de l’étude n’ont pas vraiment d’explication à ce réchauffement plus rapide. »
Ecoulement de glaces dans l'océan
Et la crainte, c'est évidemment que ce réchauffement accélère la montée des océans. Aujourd’hui, on estime que l’Antarctique contribue à environ 10% du phénomène. « Nos relevés suggèrent que le réchauffement estival continu en Antarctique occidental pourrait perturber l'équilibre de surface de la couverture de glace, ce qui fait que la région pourrait contribuer encore davantage à la hausse globale du niveau des océans », indique David Bromwich.
Contrairement à l’Arctique, au sud, ce n’est pas la fonte des glaces qui est responsable de l’élévation des océans, mais la désintégration de plates-formes glaciaires qui empêchent l’écoulement dans la mer de glaces qui viennent du continent. C’est l’autre « nouveauté importante de cette étude », souligne Jean Jouzel. « Jusqu’à présent, on pensait que le phénomène de la fonte des glaces en été n’existait pas dans l'Antarctique. Mais, selon l’étude, il y aurait aussi de la fusion dans une moindre mesure ».
Pour Anne Valette, chargée de campagne Climat/Energie à Greenpeace France, cette étude est « très inquiétante car les conséquences, en termes de masse d’eau, seraient sans commune mesure avec l’Arctique ».
« Le rapport du Giec de 2007 tablait sur une hausse entre 18 et 59 centimètres d’ici la fin du siècle, rappelle Jean Jouzel, mais d’autres études évoquent une élévation d'environ un mètre. Un changement qui serait désastreux pour des centaines de millions de personnes qui vivent dans les régions côtières. On sait, par exemple, qu’il y a 125 000 ans, il faisait 2° à 3°C de plus et que le niveau de la mer était 6 mètres plus haut qu’aujourd’hui… »
On n’en est pas encore là, bien sûr. Mais, selon des estimations, si toute la glace qui recouvre l'Antarctique occidental fondait, le niveau des eaux pourrait monter de 3,30 mètres.