Les oiseaux côtiers cessent de se reproduire lorsque la quantité de nourriture est insuffisante. Une relation proie-prédateur de cause à effet évidente et connue depuis longtemps. En théorie. Car en pratique, une synthèse des données chiffrées manquait.
Cette lacune vient d'être comblée par une étude internationale menée par l'Institut de recherche pour le développement (IRD), publiée le 22 décembre dans la revue Science. On connaît désormais le chiffre à partir duquel cette décroissance systémique est enclenchée.
Un tiers des stocks de poissons : voici le seuil critique à ne pas dépasser, au risque de voir la population de nos mouettes, fous de Bassan et autres sternes disparaître rapidement. C'est déjà le cas en Afrique du Sud, dont la population de manchots a fortement diminué, ou en mer du Nord pour les macareux.
450 ans de données
L'équipe internationale, coordonnée par Philippe Cury, chercheur à l'IRD, était composée de scientifiques du Royaume-Uni, de Norvège, de Suède, du Canada, d'Alaska, des Etats-Unis, d'Afrique du Sud et de Namibie. Les chercheurs, dont certains ont consacré toute leur carrière à ces travaux, ont comparé l'évolution de la biomasse sur près de 450 années.
Ils se sont focalisés sur 14 espèces d'oiseaux, présents dans sept écosystèmes à travers le monde, et se nourrissant principalement de sardines, d'anchois, de harengs, de crevettes et d'autres petits poissons. Surexploitées pour faire face à la demande du marché de l'industrie agro-alimentaire, ces espèces représentent 30% des prises mondiales, mais constituent également la principale alimentation des oiseaux côtiers. Ces derniers entrent en compétition directe avec les hommes, « les uns comme les autres consommant environ 80 millions de tonnes de poissons par an », selon l'étude.
Résultat : toutes espèces confondues, lorsque les réserves de poissons descendent en deçà du tiers de leur capacité maximale, le succès reproducteur des oiseaux marins est fortement affecté. Le nombre de poussins diminue brutalement, au point de menacer l'existence des espèces, et donc de tout un écosystème. Une règle valable sur toutes les mers de la planète bleue, affirme l'étude. Malheureusement, l'inverse n'est pas valable : une plus grande abondance la biomasse de poissons n'engendre aucune augmentation du taux de reproduction des volatiles.
Ceux-ci figurent parmi les espèces les plus en danger. Le manque de nourriture, mais aussi le changement climatique et la dénaturation des paysages côtiers sont des facteurs destructeurs.
Un chiffre de référence
La surpêche fait l'objet d'une attention toute particulière depuis plusieurs années. En août 2011, Ocean 2012, un collectif d'associations dédié à assurer la surveillance de la politique européenne de la pêche, publiait un rapport sur les conséquences de la surpêche dans les eaux européennes, mettant en avant « la conquête des méduses ». Le thon rouge, toujours menacé, fait l'objet de quotas de plus en plus contrôlés. D'après les chiffres officiels, l'Union européenne est le quatrième producteur mondial de pêche et d'aquaculture au monde (4,6% de la production mondiale).
Le seuil critique révélé par cette étude pourrait représenter « un chiffre de référence pour une gestion durable des pêches en vue de maintenir ces populations d'oiseaux marins sur le long terme ».