Le prix Nobel est-il inadapté à la science d’aujourd’hui ?

Cette semaine sont décernés les prestigieux prix Nobel, récompensant des personnes ayant «apporté le plus grand bénéfice à l’humanité» par leurs inventions et leurs découvertes. C’est pour les scientifiques la récompense majeure, pourtant des voix s’élèvent de plus en plus pour dire que le prix à vieilli. Que lui reproche-t-on exactement ?

Pour bien comprendre, il faut se souvenir de la naissance de ce prix. A l’origine il y a bien sûr Alfred Nobel, inventeur suédois de la dynamite, qui à sa mort en 1896 laisse un héritage important. Il décide de ne rien laisser à ses héritiers mais demande que soit créée une institution récompensant ces « bienfaiteurs de l’humanité ». Ses vœux ont été respectés, la fondation est née et depuis 1900 les prix sont remis par la couronne de Suède à Stockholm, hormis une brève période ou la couronne de Norvège était associée au prix Nobel de la Paix.

 Un maximum de trois scientifiques
 
Entre le moment ou Alfred Nobel à lancé cette idée et aujourd’hui, plus de 100 ans se sont écoulés et les sciences se font aujourd’hui bien différemment. Le scientifique ne travaille plus guère comme travaillait Einstein, la technologie a changé, les domaines de recherche ont changé.

Pour Bernadette Bensaude Vincent, historienne des sciences à l’université Paris 10, la règle qui stipule que le prix ne peut récompenser que trois scientifiques par prix est devenue obsolète : « Aujourd’hui, tout le monde sait  que les scientifiques travaillent en équipe, parfois très importantes. Les découvertes associent de nombreux chercheurs le plus souvent et non pas deux ou trois. Il y a donc forcément des injustices ! »

Ces dernières années, plusieurs appels ont été lancés pour changer cette règle notamment en France lorsque fut récompensée en 2008 la découverte du virus du sida et que le professeur Chermann, co-découvreur, ne fut pas associé au prix.

« Si quelques uns des secrets de la matière étaient un jour résolus grâce au grand accélérateur de Genève (Large Hadron Collider), confirme Bernadette Bensaude Vincent, les membres de la fondation Nobel auraient bien du mal à s’accorder sur deux ou trois noms à récompenser : des générations de chercheurs de très nombreux pays ayant collaboré à sa mise au point ».

Des disciplines ignorées

Autre grief reproché au mode d’attribution des Nobels, le choix des disciplines. La génétique, les sciences du climat et de l’environnement, la biologie moléculaire : autant de disciplines cruciales aujourd’hui et qui ne font l’objet d’aucun prix. « Il se peut qu’il y ait des gens qui accomplissent des recherches formidables, explique Dominique Leglu, directrice de la rédaction de Science et Avenir, mais qui se trouvent à la charnière de plusieurs domaines : il leur est quasiment impossible d’entrer en compétition ! Imaginez un Claude Lorius reconnu dans le monde entier pour son travail sur la glaciologie : il n’a pas la reconnaissance Nobel parce que sa discipline n’est pas prise en compte ! »

C’est peut être pour contourner ces obstacles que les membres de la fondation ont récompensé le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur le climat) et Al Gore en 2007, mais il s’agissait du prix Nobel de la paix, prix à la dimension politique plus que scientifique.

Un travail de pédagogie

Enfin, certains observateurs regrettent que les travaux récompensés soient parfois un peu vite oubliés au profit de l’apparat des cérémonies. « Ces prix concernent parfois des travaux difficiles à vulgariser mais qui finissent par influencer notre société ou nos modes de vie » selon Etienne Klein, physicien au CEA, «  il faudrait expliquer davantage ces recherches, faire un vrai travail de pédagogie ». 

Pour en savoir plus :

Prix Nobel de médécine 2010 au père de la fécondation in vitro
Prix Nobel de physique   2009: Trois chercheurs se partagent le prix
Prix Nobel de chimie 2009: Trois chercheurs récompensés pour leurs travaux sur le ribosome

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