Les Cités végétales de Luc Schuiten: douces, durables et intelligentes

Des villes biomimétiques, capables d'évoluer et de se régénérer, inspirées de l’observation et de la compréhension du génie de la nature... Les bâtiments de la Sucrière accueillent en bord de Saône une exposition intitulée Cités végétales (*), conçue par l'architecte Luc Schuiten, urbaniste entré en écologie comme on entre en religion, dès les années 1970 !...  Une invitation aux industriels à davantage se rapprocher des biologistes et des chimistes pour inventer de nouvelles technologies, propres, peu coûteuses, non polluantes et respectueuses du vivant.

« Quelle direction choisir pour imaginer les villes qui abriteront les générations futures ? Nos villes industrielles sont trop anxiogènes », constate l’urbaniste : surconsommation, réchauffement planétaire, raréfaction des ressources qui s’épuisent beaucoup plus vite que l’homme leur laisse de temps pour se régénérer … l’homme n’a pas d’autre choix que de mobiliser son intelligence et son imagination pour réorganiser son espace s’il veut survivre à l'espèce, martèle en substance Luc Schuiten.

Précurseur en la matière, l’architecte s’est distingué il y a plus de trente ans en créant de manière totalement autonome la maison Orejona. Sur la base de ce même concept, l’architecte rêve de construire des cités futures, probablement moins étendues que nos grandes mégalopoles actuelles, -qui sont « agressives et anxiogènes »-, où les logements organiques seraient en osmose avec le végétal et où l’individu vivrait en symbiose avec le reste du vivant qui l’entoure.

« J’expérimente moi-même au quotidien mes idées ...»

« Ce ne sont pas des 'utopies humaines' en ce sens que je n’ai pas de projet de société où je crée un modèle politique à l’instar des idéologies socialistes et communistes par exemple ; mes projets reposent sur différentes choses qui sont toujours sujettes à caution (d’ordre démographique, économique etc…), mais je m’emploie à imaginer un monde non encore expérimenté à grande échelle, qui est à notre portée si nous faisons l’effort de nous projeter et de réfléchir.»

L’architecte plaide en faveur d'une meilleure gestion des ressources, contre le gaspillage : « J’expérimente moi-même au quotidien mes idées, explique-t-il : ma maison fonctionne au solaire, je récupère les eaux de pluie au cœur de la ville, j’ai une grande baignoire en bois dont l’eau coule d’une source et en cascade … et je ne roule pas en gros 4/4, je me suis construit un véhicule propre, car si je peux mieux parler de mon vécu je peux mieux imaginer le futur ! »

Un voyage au coeur du vivant

Des maisons dotées de balcons cocons abritant des jardins d’hiver, des jardins verticaux pour cicatriser des murs de béton, des villes baptisées Urbacanyon, Cité des habitarbres, Cité tressée, Cité des Tours, Cité des vagues … Des moyens de transports poétiques appelés sauteraile, chenillard, vélusome, tramodulaire, twike, trike ou bien encore ornithoplane à ailes battantes … : tout au long d’un parcours initiatique scénarisé sur quelque 4000 m², Luc Schuiten invite le visiteur à découvrir ses dessins de cités végétales, des maquettes et des structures ‘archiborecentes’.

Une invitation au voyage… au cœur du vivant et du génie de la nature. Car le propos du visionnaire, s’il surprend, n’est pas pour autant hurluberlu : chaque création prend appui sur l’observation de la manière dont la nature répond à ses besoins. « D'où venons-nous? Où sommes-nous? Où allons-nous? », s’interroge sans relâche Luc Schuiten et comment le reste du vivant produit-il autrement du béton, du verre,  de l’énergie, à basse température et sans polluer ?

Dans la nature foisonnent céramiques ciments, colles, isolants ...

Ingénieur et fondateur de Greenloop, le chercheur Gauthier Chapelle soutient totalement les travaux de Luc Schuiten : « Les espèces sont l’aboutissement de 3,5 milliards d’années, une longue évolution qui a éliminé ce qui était imparfait et optimisé ce qui était le plus résistant. (….) Dans la nature foisonnent céramiques ciments, colles, câbles, isolants thermiques, systèmes de traitements de l’information, de régulation de la chaleur » etc …Il nous faut désormais travailler en profondeur sur les mécanismes biologiques pour répondre autrement aux contraintes de construction et bâtir des villes ‘biomimétiques’.

Créer des projets et se donner les moyens de nos ambitions ...

« Ce monde plus tendre et plus ludique, où la communication et le divertissement pourraient s’épanouir pour le bénéfice d'une vie plus harmonieuse, n’est pas si compliqué à mettre en place », se convainc Luc Schuiten : encore faut-il ré-orienter les choix de financement de la recherche et se donner les moyens de réaliser des projets futuristes !«Je suis un militant avant tout!». ..

 

 

Pour en savoir plus :

- Lire le N° de Science et Vie, n°1112 de mai 2010 consacré à L’intelligence de la nature : les ingénieurs s’y intéressent enfin

- Visiter l’exposition Cités végétales (*), à Lyon, la Sucrière 27 avril-27 juin 2010-05-11

- Visionner la vidéo France 3

- Visionner la vidéo où Gauthier Chapelle évoque sa collaboration avec Luc Schuiten

- Visiter Greenloop, le site (en anglais) fondé par Alain Gauthier, ingénieur agronome et docteur en biologie

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